Bommeleeër – le grand guignol

Bommeleeër – le grand guignol

12 avril 2016 Non Par Me Gaston Vogel

au seuil du second anniversaire de la suspension décrétée par le tribunal criminel 02.07.2014

Cela fait trente ans que traîne l’enquête sur le Bommeleeër et toujours rien.

Un scandale per se.

Pour paraphraser Virginia Woolf, on pourrait parler d’un grattage laborieux de boîtes entières d’allumettes mouillées.

En réalité, on ne voulait jamais connaître la vérité et cela à aucun échelon de l’Etat.

Le Juge d’instruction Klein, qui a instruit ce dossier à partir du 01.11.1985 à 1991, a mis le paquet à la 88ème audience en déclarant sous la foi du serment

Et ass eng Statsaffaire die nët dërf apgeklärt gin !

*

Dans son réquisitoire, le Procureur d’Etat écrit à la page 73 ces phrases d’une gravité sans précédent et jetant un rayon oblique sur tout l’appareil de la justice.

« Il s’entend qu’au cours d’une enquête judiciaire (…) il est sinon normal tout au moins compréhensible que l’une ou l’autre erreur d’appréciation ou d’organisation se révélant défaillante se produit. Toutefois, ce qui s’est passé en l’occurrence du point de vue d’empiétement de compétences, d’inobservation des règles fondamentales en matière de procédure pénale, de fautes gravissimes, est plutôt sidérant. »

Un exemple parmi une multitude d’autres.

Disewiscourt, décrit par Kohnen comme alcoolique était le commissaire en charge de l’enquête dans les années 80.

On n’en croit pas ses yeux quand on lit qu’il voulait trouver le coupable moyennant un sourcier étendu sur une carte géographique. À cela s’ajoute que cet individu, chef de l’enquête déclarait connaître parfaitement le Bommeleeër, mais qu’il se serait engagé à ne jamais en révéler l’identité :  « Dat Geheimnis huelen ech mat and Graaf » .

*

Les Juges d’instruction en fonction dans ce dossier depuis 1991 n’ont guère brillé par compétence, curiosité et dynamisme.

Ainsi le dossier somnolait de 1991 à 1998. Rien de rien !

Il ne fut procédé ni à l’écoute, ni à l’audition des principaux suspects.

Dans un rapport d’entretien avec le commissaire Kohnen, nous lisons que le dossier était dans un état débraillé, imprégné d’un laisser-aller inqualifiable.

Ce n’est pas le moment de faire l’inventaire de toutes les conneries commises.

Un jour je ne manquerai pas d’y aller dans le plus menu détail.

*

La Juge d’instruction WOLTZ, actuelle directrice du SREL, qui allait clôturer le dossier n’a guère apporté de nouveaux éléments.

Piquant détail : Elle, qui devait s’interroger à maintes reprises sur le rôle su SREL, dirige désormais et ce depuis 3 mois, le service secret.

Comprenne qui pourra.

Encore une de ces délicatesses qui renforcent la confiance dans les structures de l’Etat.

*

Un dossier précaire fut soumis à la Chambre du Conseil aux fins de renvoi. Sur appel la Chambre du Conseil de la Cour d’appel en date du 25.01.2012, estimant que la procédure était complète, et refusant toutes nouvelles mesures d’instruction bien que formellement sollicitées par la défense, confirme le renvoi.

Le résultat on le connaît : 176 audiences au bout desquelles le dossier fut reconfié à un Juge d’instruction pour enquêtes supplémentaires et le cas échéant nouvelles inculpations.

*

Ainsi le procès allait démarrer au fond le 23.02.2013 date à laquelle siègera pour la 1ère fois le tribunal criminel.

Première curiosité :

Ce n’est qu’au cours de la 40ème audience que le tribunal criminel commence à mettre en doute sa propre compétence ratione materiae : Ce procès ne devrait-il pas se dérouler devant le Conseil de guerre sur base d’une loi du 31.12.1982 ?

Tel fut le questionnement des Juges du fond.

La défense déposa le 03.06.2013 des conclusions écrites allant dans le sens d’une incompétence.

Le tribunal sans rejeter ces conclusions les a jointes au fond, ce qui veut dire en clair qu’il y sera statué tout à la fin d’une fin qui risque de ne jamais finir.

Illogisme ? Incongruité ?

Non, il faut comprendre les juges s’ils avaient statué dans le sens où allait leur pensée, on leur aurait reproché d’être complices de l’OMERTA.

*

Cent soixante-seize audiences, du jamais vu de mémoire judicaire, allaient suivre et démontrer que le dossier renvoyé devant le Juge du fond était une calamité qui jette un rayon oblique sur le cours de la justice, une justice qui sort du Bommeleeër en état d’aigue faiblesse.

*

Au cours de toutes ces laborieuses audiences dont rien n’allait sortir si ce n’est la confirmation d’une enquête totalement bâclée, le SREL apparaissait sous ses plus belles couleurs, ce SREL que dirige la ci-devant Juge d’instruction depuis le 01.01.2016.

*

En date du 02.07.2014, le tribunal criminel suspendait l’instruction et renvoyait le dossier au cabinet d’instruction pour compléments d’information et le cas échéant nouvelles inculpations.

Nous sommes à deux mois du second anniversaire de ce constat d’échec.

*

Depuis deux ans, strictement rien ne filtre du cabinet d’instruction.

C’est la transparence du charbon.

La défense reste sur le gril et toute nouvelle instruction se passe pour elle par « contumace ».

Un seul détail, mais combien grave, a néanmoins réussi à « s’exfiltrer ».

Le juge d’instruction nouvellement en charge est allé interroger le Premier, Bettel, le 09.10.2015.

C’était bref mais chargé d’orages.

Le premier tonnerre vient d’ébranler le pays.

On apprend que Bettel a reçu à titre privé, chez lui à la maison, l’ancien Sreliste André Kemmer, déjà interrogé par l’actuelle directrice du SREL à l’époque où elle était encore Juge d’instruction.

C’était fin décembre 2012, soit peu de temps après que Bettel fut nommé vice-président de la commission d’enquête sur le Srel. Il faut savoir que Kemmer joue un rôle important de témoin dans l’affaire Bommeleeër.

*

Que faut-il penser de ces rendez-vous clandestins. Les magistrats devraient avoir l’hermine toute hérissée !

Le ci-devant Procureur Général qui s’occupait du dossier Bommeleeër, avait à son tour son petit rendez-vous privé.

C’est là où il allait rencontrer le personnage passant pour le principal suspect.

Geiben captivait notre illustre Procureur Général.

Le 16.04.2008, le chef du Parquet ne pouvait plus gérer son envie de le voir et il se mettait en route pour oberdonven, le chapeau enfoncé dans le front, sachant bien qu’il ne fallait pas se faire voir.

Il avait enfin satisfaction.

Il allait rencontrer un personnage indégivrable, inoxydable, qui traitait, semble-t-il, la question des attentats avec une glaciale indifférence.

Notre Procureur rentra pourtant la paix dans l’âme et il ne changea pas un iota à son réquisitoire.

*

Il est très dérangeant de constater qu’à la tête de l’Etat on trouve des champions « de la clandestinité ».

Comment faire confiance à ceux qui vous dirigent s’ils essaient d’arranger les choses in catimini dans le dos de l’opinion publique.

Toutes ces personnes, si haut placées et si peu sensibles aux choses élémentaires ne sont pas malhonnêtes : mais ils construisent l’injustice, l’équivoque, la méfiance, la lassitude du citoyen, brique après brique avec la meilleure foi du monde et la conviction d’être juste et irréprochable.

C’est ce qui les rend si répugnants.

Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail