L’art

L’art

17 novembre 2016 Non Par Me Gaston Vogel

Dans un article sur Kafka et Dostoïevski, Jean Starobinski parle « d’écrivains comblés de destin ».

Il prétend qu’ils sont, au degré absolu, les figures sacrées de la littérature moderne.

Il estime que la maladie a été pour eux un agent de sensibilisation, détruisant certaines défenses ou certaines résistances qui préservent l’homme normal d’un excès d’angoisse.

Cette angoisse a été particulièrement aigue chez ces deux auteurs, qui ont réussi à enlever leur caractère rassurant aux éléments les plus familiers, aux gestes les plus machinaux.

Chez eux, on ne trouve pas de repères protecteurs.

Tout est terriblement possible : brusques bouleversements de conscience, subites mutations, renversements inattendus de rapports ou de situations.

Il n’y a plus de chez soi.

Dans ces univers dédaléens, hantés par l’absurde, les choses présentes prennent, dit Starobinski, un étrange relief.

Elles accentuent la nausée et l’angoisse.

L’auteur nous rappelle ainsi la mouche qui voltige dans la chambre où repose le cadavre de Nastasia Philippovna.

« Et chez Kafka, qui ne revoit ces portes, ces fenêtres, ces couloirs dessinés avec l’exactitude et la solidité de la constatation qu’il est impossible de révoquer en doute. »

Et toutes ces choses présentes, qui normalement devraient nous rassurer, parce qu’elles au moins sont, deviennent soudain des vermines, des sentiers menant vers notre souterrain, des ouvertures sur notre terrier.

Qu’est-ce qui fait l’Art dans de telles œuvres ?

Dans la recherche du temps perdu, Proust définit l’art comme la seule traverse pour sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune.

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