L’Eglise et les juifs

L’Eglise et les juifs

21 juin 2018 Non Par Me Gaston Vogel

Chaque année, quand se répète le sinistre anniversaire de l’Holocauste, j’ai à coeur de rappeler la responsabilité de l’Eglise.

La racine profonde de cette aberration se trouve dans l’Evangile de Mathieu.

L’imprecatio ou Mathieu 27. 24 – 25¹

Le pivot de l’antijudaïsme chrétien se trouve ancré dans ces vers vicieux de saint Mathieu :

« Pilate vit qu’il n’arrivait à rien et qu’au contraire le tumulte croissait. Il se fit apporter de l’eau et se lava les mains devant le peuple en disant : « Je ne suis pas responsable du sang de cet homme. Cela vous regarde ». Et tout le peuple de répondre : « Nous en prenons la responsabilité ; nous et nos enfants »… ».

Durant deux mille ans le récit a servi de justificatif aux pires exactions.

Montefiore a pu affirmer dans ses Synoptic Gospels II, New York, 1968, page 346 : « This is one of those phrases which have been responsible for oceans of human blood and a ceaseless stream of misery and desolation ».

Dans Antisemitism in the New Testament, S. Sandmel se souvient : « When I was a little boy, I was taunted as « Christ-Killer » more than once ».

On lit dans « Black Boy » de l’écrivain noir américain Richard Wright : « tous les Noirs du quartier détestaient les juifs, non parce qu’ils nous exploitaient, mais parce qu’on nous avait appris à la maison et à l’école du dimanche que les juifs étaient les « assassins du Christ ».

Le passage cité de l’Evangile selon saint Mathieu était inscrit au frontispice des campagnes d’antisémitisme modernes. Il ne cessait d’être psalmodié jusqu’à une date récente à tous les niveaux scolaires par les enseignants du catéchisme. A consulter Exeler, Unser Bibelunterricht und die Juden.

Vers 1950 la grande majorité des manuels d’enseignement catholique de langue française professaient le thème du « peuple déicide » ou même de « race déicide »².

Tous les chrétiens en furent imprégnés dès l’école primaire, si bien que le mot juif devenait pour la plupart d’eux synonyme d’assassin.

Le thème du déicide, à la base même de l’enseignement chrétien du mépris, thème meurtrier et nocif entre tous, fut repris avec tranquillité d’âme en 1946, soit au lendemain de la shoah, par le très catholique écrivain Daniel – Rops dans son livre « Jésus en son temps » 17e édition. Nous lisons à la page 523 de cette édition, (antérieure à celle légèrement corrigée suite aux protestations véhémentes du grand historien Jules Isaac), ces affirmations ahurissantes :

« Par quelle mystérieuse loi de réversion et de similitude, ces outrages et ces persécutions se sont-ils abattus depuis vingt siècles sur la race qui, plus que les soldats féroces, et que Pilate, en avait pris sur soi l’opprobre, et qui allait réclamer, comme un honneur, la responsabilité du sang à répandre ».

Aux pages 526-527 il aggrave sa pensée : « Son sang sur nous et sur nos enfants ! Ce dernier vœu du peuple qu’il avait élu, Dieu dans sa justice l’a exaucé. Au long des siècles, sur toutes les terres où s’est dispersée la race juive, le sang retombe et, éternellement, le cri de meurtre poussé au prétoire de Pilate couvre un cri de détresse mille fois répété. Le visage d’Israël persécuté emplit l’Histoire, mais il ne peut faire oublier cet autre visage sali de sang et de crachats, et dont la foule juive, elle, n’a pas eu pitié. Il n’appartenait pas à Israël, sans doute, de ne pas tuer son Dieu après l’avoir méconnu, et, comme le sang appelle mystérieusement le sang, il n’appartient peut-être pas davantage à la charité chrétienne de faire que l’honneur du pogrom ne compense, dans l’équilibre secret des volontés divines, l’insoutenable horreur de la crucifixion ».

Page 529 il récidive : « Les juifs ont manœuvré avec l’obstination et la cautèle qu’on leur connaît en d’autres circonstances pour que le Romain se chargeât d’appliquer leur sentence ».

Et en note I à propos de certains « juifs actuels » qui « essayent de rejeter de leurs épaules le poids de cette lourde responsabilité », « ces sentiments sont honorables, mais on ne va pas en sens inverse de l’Histoire … Le poids terrible dont la mort de Jésus pèse sur le front d’Israël n’est pas de ceux qu’il appartient à l’homme de rejeter ».

A cette lecture Jules Isaac, qui revenait de loin, l’âme à vif, brisa le dimanche de Pâques 21.04.1946 l’amitié qu’il avait jadis conclue avec Rops sous le signe de Péguy.

¹ Rainer Kampling, Das Blut Christi und die Juden, Aschendorff, 1983

² La catéchèse chrétienne et le peuple de la Bible, pages du R. P. Démann, pp. 122-123; 130; 160; 163; 167-168; 171

 

TABLEAU COMPARATIF

Contre les juifs :

législation catholique et législation nazie

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