NOS TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

NOS TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

19 février 2019 Non Par Me Gaston Vogel

Quand j’ai prêté mon serment d’avocat en 1962, il n’existait ni Tribunal administratif, ni Cour administrative tels qu’on les connaît actuellement.

Au sein du Conseil d’Etat, on trouvait un Comité du Contentieux qui était appelé à trancher comme juridiction les conflits d’ordre administratif.

Durant des décennies, cette Institution fonctionnait nonobstant le fait qu’elle ne pouvait passer pour une juridiction remplissant les critères de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Le problème était d’autant plus grave que, bien que tombant sous le sens, personne ne songeait à y porter une solution.

Le Comité du Contentieux continuait en effet à trancher sur base de lois et de règlements que ses membres avaient avisés comme faisant partie de la composition « plénière » du Conseil d’Etat.

Il y avait là une incompatibilité qui ne pouvait durer.

Le pays a connu une véritable révolution institutionnelle le 7 novembre 1996 suite à un arrêt rendu par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Ce fut l’arrêt Procola du 28 septembre 1995.

Nous lisons dans l’arrêt :

« 44. Le seul point à trancher est celui de savoir si ledit organe remplissait les exigences d’impartialité requises par l’article 6 (art. 6) de la Convention, compte tenu du fait que quatre de ses cinq membres ont eu à se prononcer sur la légalité d’un règlement qu’ils avaient examiné auparavant dans le cadre de leur mission de caractère consultatif.

45. La Cour constate qu’il y a eu confusion, dans le chef de quatre conseillers d’Etat, de fonctions consultatives et de fonctions juridictionnelles. Dans le cadre d’une institution telle que le Conseil d’Etat luxembourgeois, le seul fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des mêmes décisions, les deux types de fonctions est de nature à mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution. En l’espèce, Procola a pu légitimement craindre que les membres du Comité du Contentieux ne se sentissent liés par l’avis donné précédemment. Ce simple doute, aussi peu justifié soit-il, suffit à altérer l’impartialité du Tribunal en question, ce qui dispense la Cour d’examiner les autres aspects du grief.

46. Partant, il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) ».

C’était la condamnation définitive du Comité du Contentieux.

Il devait disparaître après avoir, il faut le reconnaître, servi la justice d’une manière exemplaire.

Je me souviendrai toujours de son Président, Félix WELTER, un homme de haute qualité qui était un garant d’une justice aussi sévère que juste et sans aucun compromis.

Depuis lors, nous connaissons les Tribunaux administratifs qui sont composés de magistrats totalement indépendants du monde politique.

Ces Tribunaux sont devenus au fil des ans les meilleurs bastions contre l’arbitraire des édiles communaux et les impairs toujours renouvelés des apparatchiks d’un Etat qui se veut de droit.

C’est absolument consolant de constater qu’il existe des juridictions qui protègent ainsi le citoyen désemparé en conflit avec ce qu’il faut bien qualifier une bonne fois pour toutes « l’arrogance du pouvoir ».

Un bref aperçu sur l’activité judiciaire des deux dernières années nous apprend que les Tribunaux administratifs veillent au grain et annulent chaque fois que les règles de base sont violées.

Ainsi d’aucuns PAG, contestables en droit et j’ajouterais des fois si peu transparents dans leur objectif réel, ont été cassés et renvoyés à la case de départ – et ça continue avec bonheur.

Le seul fait que de tels remparts existent au sein de l’Etat donne à la démocratie que nous chérissons tant, ce ballon d’oxygène qui, s’il faisait défaut, la rendrait irrespirable.

Le 19 février 2019.

Gaston VOGEL

Facebooktwitterredditpinterestlinkedinmail