TROYES ET ENVIRONS

TROYES ET ENVIRONS

15 mars 2019 Non Par Me Gaston Vogel

Fontainebleau – Rhuis (16 km après Senlis), près de Verberie. – Rhuis une église romane de pur style dont la restauration fut subventionnée par l’inventeur de la pointe Bic – les Bics enterrés ici dans un charmant petit cimetière attenant à l’Eglise. – 7 km plus loin l’Abbaye Royale de Moncel – retour sur Verberie – de là départ pour les Béthisy (St. Pierre et St. Martin). – Morienval avec son église romane d’une beauté sombre et simple. – puis la surprenante Vez dont ne parle aucun guide et qui vaut manifestement le détour avec ses vieilles ruelles enchevêtrées. – Bref arrêt à la ruine de l’ancienne abbaye, en déconfiture si avancée qu’un panneau avertit le visiteur d’une possible pluie de pierres. – Une traverse pour aboutir à la non moins ruinée abbaye de Longpont sur deux endroits de gigantesques trous brillent là où il y avait de superbes rosaces.

Soissons, une ville endormie depuis que l’autoroute a coupé le cordon ombilical avec le monde environnant.

Nous n’avons pas trouvé un seul restaurant ouvert.

Personne dans les rues – sauf quelques clochards.

Très beaux restes que ceux de l’ancienne abbaye de Saint-Jean-des-Vignes.

Les humanistes de la Renaissance méridionale n’avaient que mépris pour cet art médiéval, un art rude et sobre, montrant des personnages grotesques entourés d’un monde animalier qui fait frissonner les âmes sensibles.

Ils appelaient cet art avec dédain gothique. – Les goths, ces barbares, lointains ancêtres des bâtisseurs des églises que nous chérissons tant, n’étaient pas suffisamment fins et subtiles pour résister aux critiques acerbes de ceux qui à la fin du XVe siècle allaient redécouvrir l’âge d’or des Romains.

Et pourtant ces ruines sont pleines de poésie, une poésie faite de recueillement et de mélancolie.

Un art d’une beauté triste et dépouillée.

Je n’oublierai pas de sitôt Rhuis, tout comme je me souviendrai longtemps encore de Feuges, proche de Troyes avec ses maisons à colombage qui me replongent dans le monde de fées de ma prime enfance.

RACHI

Rachi (1040-1105) – acronyme de Rabbi Chlomo Irznaki (Salomon ben Isaac) – a laissé ses traces indélébiles à Troyes.

Exégèse français descendant de David, auteur de commentaires devenus classiques sur les textes fondamentaux du judaïsme.

Son père possédait une pierre précieuse pour laquelle des chrétiens lui offraient une somme considérable afin d’en orner une statue de la Vierge.

Ayant préféré jeter ce joyau plutôt que de le voir servir un culte idolâtre, Dieu lui donna en récompense un fils qui devint un véritable « trésor » spirituel.

Pendant sa grossesse, la mère de Rachi allait être piétinée par le cheval d’un croisé quand une niche s’ouvrit par miracle dans un mur tout proche pour lui donner refuge.

Rachi fonda à Troyes une remarquable école d’exégèse biblique où, après lui, ses descendants poursuivirent son œuvre.

Selon la tradition, il aurait passé les dernières années de sa vie à Worms, en Allemagne, où la petite « synagogue de Rachi », qui avait traversé les siècles jusqu’à sa destruction sous le régime nazi, a été, après-guerre, reconstruite par le gouvernement allemand.

Les commentaires de Rachi qui couvrent la quasi-totalité de la Bible et la majeure partie du Talmud de Babylone ont rendu ces textes accessibles à tous.

Certains ont vu dans ses commentaires sur la Bible des écrits inspirés et Rachi lui-même affirme parfois que telle interprétation ne lui vient ni de l’enseignement de ses maîtres, ni de la tradition juive, mais d’une révélation divine.

Ses commentaires se distinguent par leur extrême concision et par le talent qu’a Rachi de mêler à ses explications littérales et grammaticales des commentaires homilétiques, sans pour autant craindre d’avouer, à l’occasion : «  Je n’ai pas d’explication. »

Rachi eut trois filles, toutes fort érudites, qui l’assistaient dans ses travaux.

L’une d’elles aurait porté les tefillin pour réciter la prière du matin, signe d’une piété hors du commun.

*

Rhuis

C’est tout près de Senlis à Montépilloy qu’Alain nous avait amené sur le champ de bataille où était engagé pour la première fois le Luxembourg aux côtés de Jeanne d’Arc.

Les grands talmudistes de Troyes : Rachi, Simcha de Vitry, Judah ben Natan, Joseph Karo, Samuel ben Meïr (Rashbam), Jacob ben Meïr (Rabbénou Tam).

En 1160 eut lieu plusieurs congrès juifs à Troyes.

Rachi y est né à Troyes en 1040 et y est décédé en 1105.

Grand spécialiste de sémantique, il éditera un dictionnaire portant la traduction de l’hébreu – en français de 3000 mots. – d’où une source inépuisable pour fouilleurs de vieux français.

Bienheureux Rachi – 1000 ans après sa mort son enseignement continue à être célébré à Troyes. – C’est au fond de la rue Brunneval qu’on trouve l’Université Rachi.

*

À Béthisy-Saint-Pierre. – village abandonné aux chats et aux choucas.

Une mini-boulangerie offre aux passants de vieux croissants et de petites pommes rougeâtres ratatinées. – Derrière le comptoir où se meurent les pâtés lorrains, une vieille, le cou appuyé par une minerve, et un gros mari vêtu de gris qui se réjouit de toucher enfin quelques euros.

Une vraie misère qui fait mal jusqu’au bout des doigts.

Mais qui va vivre à Béthisy ?

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