Interview de Me Gaston Vogel dans le magazine Luxuriant n° 57 de Mars 2016

Interview de Me Gaston Vogel dans le magazine Luxuriant n° 57 de Mars 2016

15 mars 2016 Non Par Me Gaston Vogel

De quelle couleur politique êtes-vous ?

Je suis un homme de gauche, encore qu’il faille d’abord définir ce terme très émoussé, qui au fil des décennies a perdu beaucoup en consistance.

Je préfère me désigner comme humaniste dans la lignée des philosophes du XVIIIème siècle.

Je connais des hommes de droite qui sont plus à gauche que ceux qui se disent à gauche. Alors quoi ?

 

N’avez-vous jamais eu envie de vous engager en politique ?

Quand je vois ceux qui nous gouvernent, je deviens anarchiste.

Mieux vaut l’anarchie que l’ordre ou plutôt le désordre qui est le leur.

Dans la politicaille du moment, on ne trouve que rarement des gens qui font haleter.

La plupart sont d’une médiocrité effarante.

Heureusement que la politique leur est venue en aide.

Que seraient-ils devenus sans cette opportunité ?

 

Peut-on vous qualifier de xénophobe ou bien de raciste suite à votre lettre ouverte au sujet de la mendicité organisée à la bourgmestre Lydie Polfer ?

On m’a reproché xénophobie et racisme parce que je me suis attaqué à la mendicité prohibée par la loi du 09.04.2014.

Un reproche idiot, dépourvu de tout sens.

La loi de 2014 interdit la mendicité en bande organisée qu’elle range à juste titre, dans la traite des êtres humains.

Cette mendicité est écœurante.

Chaque matin des individus non autrement identifiés assignent à une armée de mendiants la place stratégique pour mettre le gobelet.

Personne ne s’en occupe.

La loi prévoit une peine minimum de 3 ans pour ceux qui organisent cela. Voire pour ceux qui conduisent les mendiants ou les contrôlent.

De véritables ouvriers esclaves qui ramassent des fonds pour de sinistres crapules logeant dans des palais mirobolants de Bucarest.

 

Aimez-vous les étrangers ?

Je suis un homme du monde.

L’étranger pour moi est une source de richesse.

Les colonies italienne et portugaise ont tant donné au pays.

Les étrangers, n’en déplaise aux Le Pen et autres chauvins, ont contribué à faire de la France un pays de haute culture.

Que serait la France sans les Brancusi, Zadkine, Giacometti, Picasso, Pissaro, Soutine et des centaines d’autres ?

 

Êtes-vous fier d’être Luxembourgeois ?

Je ne suis pas particulièrement fier d’être Luxembourgeois.

Si je le suis, je le dois à un accident spermatique.

Pour moi l’étranger doit rester ce qu’il est.

Il n’a pas besoin de s’intégrer ou de s’assimiler.

Si les juifs l’avaient fait, ils auraient disparu dans l’assimilation.

 

Souhaitez-vous développer la langue luxembourgeoise au Grand-Duché ?

Ce que je veux, c’est que ceux qui  s’occupent de notre société et qui sont actifs dans divers domaines spécifiquement luxembourgeois comprennent la langue.

Un avocat étranger qui plaide ici sans comprendre la langue dans toute sa diversité et nuance n’a pas sa place ici.

Il faut qu’il connaisse notre langue, riche et variée pour qu’il puisse participer aux débats judiciaires sans trahir la cause de son client.

Si j’allais plaider à Thionville en luxembourgeois, on ferait venir l’ambulance pour m’amener dans un centre psychiatrique.

Ces considérations sont au-delà de toute xénophobie.

C’est la normalité et maudits soient ceux qui ne le conçoivent pas ainsi.

Les mots ont leur météorologie.

Ils connaissent les basses et hautes pressions.

Ils ne permettent pas qu’on s’éloigne de leurs propres limes.

Le mot requiert respect et compréhension, sinon nous sommes dans le malentendu à l’origine de tous les conflits.

Nous ne sommes pas dans un DOM-TOM.

Nous sommes chez nous et on vient chez nous pour mieux vivre.

On n’a pas besoin de s’intégrer voire de s’assimiler, il suffit d’être courtois et un tant soit peu maître de la langue qu’on parle ici.

 

 

Les frontaliers  font-ils suffisamment d’efforts ?

Les frontaliers sont importants pour le pays et le pays est important pour eux.

Sans notre pays, ils seraient chômeurs car ils viennent tous de régions sinistrées.

Qu’ils ne s’adressent pas à nosotros dans des termes révoltants « parlez français ! »

 

Sans transition, j’ai cru comprendre, suite à votre lettre ouverte à Xavier Bettel au sujet de l’affaire Luxembourg Leaks, que vous n’étiez pas très fan du Mudam ?

Je suis collectionneur d’art et ma spécialité est l’art asiatique, en particulier l’art chinois que je considère comme l’un des sommets les plus extraordinaires de l’Art Universel.

Rien ne vaut cette approche taoïste dans la recherche du beau ou simplement de cette esthétique qui est pour moi existentielle.

J’ai horreur des jeux qui passent pour des œuvres d’art.

Je refuse de voir de l’art dans une machine qui fabrique des crottes. Cela ne fait même pas sourire.

Le Mudam est pour moi un endroit qui ne me fait pas rêver.

Chaque fois que j’y ai mis les pieds, j’en sortais soit inquiet de son évolution soit carrément révolté pour ne pas dire dégouté.

Mais c’est devenu un tabou.

Il n’est pas correct d’en parler ainsi.

Il faut se laver la bouche trois fois pour faire sortir une critique.

L’art est pour moi un espace sacré.

Les artistes, qui sont au vrai sens du mot des voleurs de feu, des « vates » trouvant dans les tréfonds qui échappent à ceux qui n’ont pas la chaleur du sang qu’il faut, les trésors qui font notre civilisation. Peu sont capables de faire ce qu’on appelle en allemand le Tiefgang.

 

 

D’où vient votre amour pour l’art asiatique ?

Mon penchant pour l’Asie date de l’époque où étudiant au Lycée classique, je me sentais frustré de ne jamais entendre parler de ce qui reste à découvrir à l’Est de l’Acropole.

On n’apprenait rien sur le Proche-Orient, l’Iran, l’Inde, la Chine et le Japon.

J’étais attiré par ces espaces inconnus que je soupçonnais pleins de richesses.

C’est ainsi que je m’y suis mis de mes propres moyens.

Dans les années 2000, j’ai enseigné à l’Athénée une fois par semaine l’Histoire des grands peuples d’Asie, de la Chine et du Japon en particulier et je me suis rendu in situ avec mes étudiants qui avaient ainsi l’opportunité d’admirer la villa Katsura qui a inspiré toute l’architecture moderne.

 

Parlez-moi de votre bibliothèque.

Ma bibliothèque est riche car je collectionne depuis cinquante ans.

Je ne fais pas le compte de mes livres (toute la Pléiade – tous les grands ouvrages d’Art Européen, Asiatique et autres – d’innombrables ouvrages sur les civilisations asiatiques…)

Ma bibliothèque me permet de lire en totale autarcie.

Je n’ai besoin d’aucune prothèse.

Je compte parmi mes ancêtres Dostoïevski, Proust, Nietzsche, Strindberg et tant d’autres à qui je dois tout, surtout au premier.

Je les lis constamment, négligeant, peut-être à tort, les prix littéraires.

Que doit-on écrire pour arriver à la cheville de Proust ?

 

Que lisez-vous actuellement ?

En ce moment, je déguste Lichtenberg, le Voltaire allemand du XVIIIème  et le philosophe anglais, George Steiner qui dans certains de ses écrits a rendu l’Eglise responsable de l’holocauste.

 

Croyez-vous en Dieu ?

Je suis agnostique, je ne sais pas.

L’athée lui sait. Il sait négativement des choses sur Dieu.

Donc il est dans un quelque sens croyant.

Je n’ai aucune foi. Nous vivons une vie totalement absurde livrée aux impondérables qui nous font frémir chaque jour.

 

Quels sont vos rapports avec vos confrères du Palais de Justice ?

Je n’ai qu’une confiance limitée dans cette Institution, et cela tant que nous connaissons la très insupportable situation d’une multitude de couples Magistrat Avocat.

Je dénonce cela depuis 30 ans et personne ne s’en occupe jusqu’au jour où le scandale sera parfait.

Je sortirai alors toute ma correspondance.

 

Interview disponible également en Luxembourgeois ici.

 

Interview : Sébastien Vécrin

Photos : Fred Wolf

 

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