L’AMOUR, UNE  « HISTORIA CALAMITATUM »

L’AMOUR, UNE « HISTORIA CALAMITATUM »

20 juin 2018 Non Par Me Gaston Vogel

Extrait du livre de Me Vogel intitulé:

Le Pâturage – contribution critique à l’histoire du christianisme à l’occasion du 2000ème anniversaire de sa « naissance » – (Phi)

 

Nous ouvrons le sombre chapitre de l’Amour en catholicité.

L’histoire d’Abélard et d’Héloïse est d’une certaine manière emblématique de la conception de l’Eglise en chose d’amour.

1. Abélard et Héloïse

Abélard, né au Pallet près de Nantes en 1079, est considéré comme le premier intellectuel du Moyen-Age. Il passe pour le plus grand philosophe et théologien du XIIe siècle. Très jeune encore, Abélard acquit une renommée universelle et l’on accourait à ses leçons de tout l’Occident. L’Eglise ne lui pardonnera pas son cerveau lucide et inquiet ainsi que l’âpreté qu’il mettait à la dispute philosophique. Les saints pères lui en voulaient d’avoir essayé d’introduire la logique dans le domaine obscur de la théologie. Un concile, réuni à Soissons en 1121, l’obligea à brûler son traité « De l’unité et de la trinité divine ». Depuis, il était moralement brisé.

Cet homme extraordinaire avait un autre tort. Il s’était pris d’amour pour Héloïse, toute jeune nièce d’un chanoine de Paris, Fulbert. On la disait belle par son esprit et sa culture. Elle n’avait pas dix-huit ans quand Abélard s’éprit d’elle. La grossesse d’Héloïse, suivie d’un mariage secret, n’était pas du goût du chanoine. Ce sacré homme fit surprendre et émasculer Abélard la nuit par des hommes de main. A l’époque le forfait fut considéré comme une grande victoire sur le front de la lutte antisatanique. En effet, Fulbert ne fut pas inquiété par les sbires ecclésiastiques. Aucun bûcher ne fut allumé pour châtier son crime.

Il ne restait plus à Abélard « qu’à ensevelir sa honte, son désespoir, son repentir aussi, sous une robe de moine ». Il mourut en 1142. Héloïse le suivit 22 ans plus tard. En 1817 leurs restes furent réunis au Père-Lachaise.

Cette histoire documente un mépris total pour l’amour humain, cet amour que l’Eglise n’a cessé de combattre comme instinct dépravé et proprement diabolique. A défaut de réussir l’éradication de cette chose satanique, la Sainte Institution ne s’est jamais privée du plaisir de la salir et de l’exposer au mépris public.

Elle a donné son nihil obstat aux pires niaiseries. Récemment j’ai trouvé dans le coin oublié d’un antiquariat un ouvrage particulièrement honteux, portant le titre « Moechialogie – cours de luxure – traité des péchés contre les sixième et neuvième commandements du décalogue et de toutes les questions matrimoniales qui s’y rattachent directement ou indirectement, suivie d’un abrégé d’embryologie sacrée par le père trappiste Debreyne – livre exclusivement réservé au clergé et qui a paru à Paris Librairie Poussielgue frères, rue Cassette 27. Le vocable même de « Moechialogie » qu’on ne trouve dans aucun dictionnaire moderne fait peur. Voilà toutes les araignées de sacristie réunies  pour guetter la luxure. Il suffit d’ouvrir le traité à la page 183 qui traite des conséquences métaphysiques des attouchements entre époux pour être envahi par la nausée.

Par quels paradoxes ou pathologie expliquer qu’une religion qui prône l’Amour, qui fait de l’Amour la pierre angulaire de son édifice, ait dès ses tendres origines mené les pires croisades contre le premier des amours, à savoir l’amour charnel sans lequel il ne peut y en avoir d’autre. Tout au long de son histoire, l’Eglise est restée crispée dans ce domaine privilégié de l’homme sur des références ridicules, obsolètes, répugnantes, s’enfermant ainsi dans une logique paranoïde. Cette attitude deux fois millénaire a causé un préjudice incommensurable  à l’humanité. Elle a rendu le sexe heimatlos. En le rendant heimatlos, elle a ouvert les vannes aux eaux boueuses de la pornographie. La sainte Institution a du encaisser de ce fait les critiques les plus vives des meilleurs intellectuels de toutes les époques. Je ne retiendrai que les commentaires amers et courroucés du grand poète R.M. Rilke et du fameux philosophe et scientifique Bertrand Russell. Ecoutons Rilke par la voix du jeune ouvrier :

 

2. R. M. Rilke

« Sie lassen sich nicht vor Eifer, das Hiesige, zu dem wir doch Lust und Vertrauen haben sollten, schlecht und wertlos zu machen – und so liefern sie die Erde immer mehr denjenigen aus, die sich bereit finden, aus ihr, der verfehlten und verdächtigten, die doch zu Besserem nicht tauge, wenigstens einen zeitlichen, rasch ersprießlichen Vorteil zu ziehen. Diese zunehmende Ausbeutung des Lebens, ist sie nicht eine Folge, der durch die Jahrhunderte fortgesetzten Entwertung des Hiesigen ? Welcher Wahnsinn, uns nach einem Jenseits abzulenken, wo wir hier von Aufgaben und Erwartungen und Zukünften umstellt sind. Welcher Betrug, Bilder hiesigen Entzückens zu entwenden, um sie hinter unserm Rücken an den Himmel zu verkaufen !…. »

«… Und hier in jener Liebe, die sie mit einem unerträglichen ineinander von Verachtung, Begierlichkeit und Neugier, die sinnliche nennen, hier sind wohl die schlimmsten  Wirkungen jener Heraussetzung zu suchen, die das Christentum dem Irdischen meinte bereiten zu müssen…Es ist mir…immer unbegreiflicher, wie eine Lehre, die uns dort ins Unrecht setzt, wo die ganze Kreatur ihr seligstes Recht geniesst, in solcher Beständigkeit sich, wenn auch nirgends bewähren, so doch weithin behaupten darf.

Was müssen wir’s umschleichen und geraten schließlich hinein, wie Einbrecher und Diebe, in unser eigenes schönes Geschlecht, in dem wir irren und uns stoßen und straucheln, um schließlich wie Ertappte wieder hinauszustürzen in das Zwielicht der Christlichkeit…

Warum hat man uns das Geschlecht heimatlos gemacht, statt das Fest unserer Zuständigkeit dorthin zu verlegen.. »

 

3. Bertrand Russell

Dans son essai « Why I am not a christian », Bertrand RUSSELL, n’y va pas de main de morte quand il aborde le douloureux chapitre de la sexualité en christianisme.

« The worst feature of the Christian religion, however, is its attitude toward sex – an attitude so morbid and so unnatural that it can be understood only when taken in relation to the sickness of the civilized world at the time the roman Empire was decaying. We sometimes hear talk in the effect that Christianity improved the status of women. This is one of the grossest perversions of history that it is possible to make. Women cannot enjoy a tolerable position in society where it is considered of the utmost importance that they should not infringe a very rigid moral code. Monks have always regarded Woman primarily as the temptress; they have thought of her mainly as the inspirer of impure lusts. The teaching of the church has been, and still is, that virginity is best, but that for those who find this impossible, marriage is permissible. « It is better to marry than to burn, » as St. Paul brutally puts it. By making marriage indissoluble, and by stamping out all knowledge of the ars amandi, the church did what it could to secure that the only form of sex which it permitted should involve very little pleasure and a great deal of pain. The opposition to birth control, has, in fact, the same motive : if a woman has a child a year until she dies worn out, it is not to be supposed that she will derive much pleasure from her married life ; therefore birth control must be discouraged. »

« It is not only in regard to sexual behavior but also in regard to knowledge on sex subjects that the attitude of Christians is dangerous to human welfare. Every person who has taken the trouble to study the question in an unbiased spirit knows that the artificial ignorance on sex subjects which orthodox Christians attempt to enforce upon the young is extremely dangerous to mental and physical health, and causes in those who pick up their knowledge by the way of « improper » talk, as most children do, an attitude that sex is in itself indecent and ridiculous. I do not think there can be any defense for the view that knowledge is ever undesirable. I should not put barriers in the way of the acquisition of knowledge by anybody at any age. But in the particular case of sex knowledge there are much weightier arguments in its favor than in the case of most other knowledge. A person is much less likely to act wisely when  he is ignorant than when he is instructed, and it is ridiculous to give young people a sense of sin because they have a natural curiosity about an important matter. »

« …Almost every adult in a Christian community is more or less diseased nervously as a result of the taboo on sex knowledge when he or she was young. And the sense of sin which is thus artificially implanted is one of the causes of cruelty, timidity, and stupidity in later life. There is no rational ground of any sort or kind for keeping  child ignorant of anything that he may wish to know, whether on sex or on any other matter. And we shall never get a sane population until this fact is recognized in early education, which is impossible so long as the churches are able to control educational politics.

Leaving these comparatively detailed objections on one side, it is clear that the fundamental doctrines of Christianity demand a great deal of ethical perversion before they can be accepted. »

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