LE BOMMELEEËR, UN TCHERNOBYL JUDICIAIRE

29 mars 2022 Non Par Me Gaston Vogel

Le procès du Bommeleeër ne finit pas de finir.

Tout démarre le 30.05.1984 par une attaque pyrotechnique du pylône n°18 à BEIDWEILER (on va y revenir).

Depuis bientôt 36 ans, on reste dans la case départ, et 177 audiences n’ont pas suffi pour pénétrer les ténèbres.

A en juger d’après les ultimes errements de procédure, on pourra prévoir avec un peu d’optimisme que cela ne va pas se terminer avant 2035, c’est-à-dire à un moment où tous acteurs et prétendus acteurs seront décédés.

*

Ce procès est le plus grand scandale que la justice de notre pays ait connu.

Une honte !

On ne trouve au dictionnaire pas de mot suffisamment grave pour dénoncer cette énorme chienlit.

Un désastre ! Une banqueroute judiciaire.

Pour employer une expression chère à Virginia WOOLF, « on dirait que ce fut un grattage laborieux de boîtes entières d’allumettes mouillées ».

*

Les attentats ont frappé le pays à partir du 30.05.1984 – le dernier en date fut perpétré le 25.03.1986.

On compte 18 attentats qui ont causé des dégâts matériels considérables : aux pylônes électriques, à l’aéroport pour ne citer que ces deux-là.

*

  1. Qui en étaient les auteurs ?

Anticipons aussitôt et mettons bien en exergue deux citations, d’une importance capitale, toutes les deux émanant des plus hauts magistrats du pays.

  1. Interrogé sur la question lancinante des vrais responsables de ces gravissimes événements qui ont tenu le pays en haleine durant 2 années, KLEIN, Juge d’instruction, chargé du dossier à partir d’octobre 1985 à octobre 1991, déclare à la 88ème audience :

« Ech sin am Réen stoe geloss gin ».

A la même audience il déclare sous la foi du serment :

« Et ass eng Staatsaffaire dee nët dërf opgeklärt gin ».

*

  1. Le Procureur Général d’Etat Roby BIEVER a reconnu lors de l’audience du 12.03.2013 (à laquelle il avait été convoqué pour s’expliquer sur une étrange rencontre qu’il avait eue avec GEIBEN) : « Qu’il faut trouver très haut les vrais responsables ».

Pourquoi, lui qui avoue connaître les vrais auteurs a-t-il alors omis de les mettre en accusation !?!

Avait-il quelque chose à redouter, si de fortune il avait eu le courage de le faire ?

*

  1. Le rôle de l’armée Luxembourgeoise

Ce rôle n’a toujours été qu’effleuré – jamais examiné de près alors que la présence de l’Armée se lisait en filigrane à travers tout le dossier.

Des fois le dossier allait renseigner soudain des points névralgiques – qui invitaient à l’arrêt et à une réflexion en profondeur.

  1. Ainsi l’observateur objectif de la ténébreuse scène du Bommeleeër ne sait plus à quel Saint se vouer quand il apprend que les membres du GOR qui avaient pour mission entre autres d’établir une liste de suspects, y avaient fait figurer en 2ème position l’Armée (listing du 03.01.1986)

Cette liste fut soumise pour approbation au Commandant de la Gendarmerie HARPES qui ordonnait aussitôt de rayer l’Armée de la liste incriminée.

Pourquoi a-t-il fait cela ?

On attend toujours une réponse sensée.

Ce même HARPES qui fut apostrophé de menteur par le Juge d’Instruction KLEIN (105ème audience).

  1. Ne perdons jamais de vue que la terrible opération OESLING 1984 s’est déroulée du 24.04.1984 au 15.05.1984 – elle a connu la participation de l’Armée luxembourgeoise à côté de 20 militaires US.

Sa mission : étudier les techniques de sabotages (rapport 2008 p.19)

  1. Deux semaines après l’opération OESLING, un 1er attentat fut perpétré à BEIDWEILER. Un premier essai le 30.05 avait échoué.

On ne peut qu’être frappé par la curieuse présence ante festum, la nuit, in situ, du Colonel BRÜCK, chef d’Etat adjoint.

Son chauffeur GREIS nous a appris à l’audience 142, qu’il conduisait BRÜCK en pleine nuit à BEIDWEILER – le Colonel sortait seul près de la Schwengskaul distante de 100 à 150 m du pylône qui fut frappé par une violente explosion dans la nuit du 02 au 03.06.

Il fut défendu au chauffeur d’en parler sous peine de devenir traitre à l’armée.

À la demande du chauffeur de connaître le but de ces reconnaissances, le Colonel lui a simplement répondu qu’un soldat n’avait pas à poser des questions mais à observer les ordres de ses supérieurs.

Il lui a cependant dit qu’il s’agissait d’une reconnaissance en préparation d’un exercice.

Malheur !

On n’a pas pu faire citer BRÜCK à la barre – il est décédé emportant avec lui ses énigmes.

  1. L’attentat du Findel apporte son lot de paradoxes.

Nous sommes le 09.11.1985.

Le 16.09.1985, soit 6 semaines environ avant l’attentat, l’Armée qui avait pour constante mission de surveiller l’aéroport la nuit, fut d’un coup déchargée de cette mission, si bien que le jour de l’attentat, aucun contrôle ne s’y exerçait plus – laissant sans surveillance l’un des endroits les plus stratégiques du pays (Rapport AE 442/04).

À la page 67 de son réquisitoire, le Procureur d’Etat écrit : « Il n’y avait pas de surveillance particulière même discrète de l’aéroport » et il ajoute : « fait très surprenant » et combien raison avait-il de s’interroger ainsi alors que 13 attentats avaient eu lieu – le dernier en date avant celui du Findel le 19.10.1985 (Palais de Justice) ?

Le Procureur continue : « même les réservoirs de kérosène n’étaient pas surveillés par l’Armée depuis le 16.09.1985.

Ce fut encore le même Colonel BRÜCK qui décidait ce « retrait » très singulier et plein de risque et de danger.

C’était voulu.

Et pourtant.

L’armée n’a connu à aucun moment au cours de l’interminable enquête une seule perquisition, aucune saisie de ses archives – nada !

On la laissait en paix, sachant bien pourquoi.

  1. A la fin de la 161ème audience, la Présidente du tribunal lève la séance par ces mots désabusés :

« Et as alles schief gelaâf – Waât och nëmmen konnt schief laâfen. Et muss éen unhuelen dass dât gewollt wâr ».

*

  1. Quelles ont été les réactions du gouvernement?

Au regard de ce qui précède, il est impératif de s’interroger sur les réactions des autorités politiques de l’époque face à cette multitude d’attentats qui ont eu sur l’opinion publique l’effet d’un séisme d’une force 10 sur l’échelle de Richter.

Or nous enregistrons une curieuse indifférence.

Aucune émotion particulière – Business as usual.

Force est de constater que l’attentat au Findel (09.11.1985) qui a coûté à l’Etat, c’est-à-dire au contribuable, plus de soixante-dix-millions de francs, n’a pas autrement retenu l’attention du gouvernement.

  1. Le gouvernement se réunissait une semaine après, le 15.11.1985, sous la présidence de Jacques SANTER et réussit l’exploit de ne réserver pas un moignon de point à l’événement qui venait de s’abattre sur le pays.

Trente-trois points étaient à l’ordre du jour.

Pas un début d’une ombre de point sur cet évènement gravissime.

Curieux n’est-ce pas ?

*

  1. Le 16.02.1973 fut créé un centre permanent de sécurité.

Dans la motivation nous lisons ces phrases :

«  Notre pays pouvant du jour au lendemain être confronté avec une situation critique nécessitant des décisions rapides au niveau des responsables de tous les services concernés, il convient de mettre d’ores et déjà en place les mécanismes destinés à faciliter la prise de décision. »

Or comment expliquer qu’au moment où le pays fut ébranlé par une série d’attentats monstrueux, ce comité somnolait ?

HOFFMANN, le chef du SREL a dû reconnaître le 24.01.1986 :

« Le comité ne fonctionne pas… faute d’effectifs, faute de temps des agents responsables. »

Le comité de la « SOMNOLENCE » se réunissait pour la première fois le 11.10.1985, alors qu’une douzaine d’attentats avaient été perpétrés – le dernier précédant la réunion eut lieu le 30.09.1985 – attentat entrainant les dégradations de la Piscine olympique.

A la 157ème audience, ELSEN, premier Conseiller au Ministère de la Justice à l’époque des attentats, nous a appris qu’il n’y avait pas de réunion spécifique dans le dossier Bommeleeër parce qu’on n’était intéressé qu’au terrorisme venant de l’étranger et qu’on n’avait pas mission de s’occuper de celui à l’intérieur des frontières.

Merveilleux n’est-ce pas ?

*

  1. À la 90ème audience, le Directeur du SREL apprenait au Tribunal médusé, que le comité aurait pu être un instrument utile dans la recherche des responsables, mais qu’en réalité, c’était le vide – n’importe quoi.

Le comité se réunit une fois encore le 26.11.1985, soit un mois après l’attentat au Palais de Justice (19.10.1985) et deux semaines après celui ayant frappé le Findel (09.11.1985).

Le rapport dressé à la fin de la réunion parle de tout sauf de ces 2 attentats et des mesures à prendre.

Bravissimo !

*

  1. Le sabotage de l’enquête

On comprend mieux à partir de ces données pourquoi après bientôt 36 ans d’enquête, on ne sait toujours rien.

Dans son réquisitoire, le Procureur d’Etat écrit à la page 77 :

« Ce qui s’est passé en l’occurrence du point de vue d’empiètement de compétences, d’inobservation des règles fondamentales en matière de procédure pénale, de fautes gravissimes, est plutôt sidérant. »

GINDT, Commissaire en chef de la Police, entendu à la 177ème audience résumait la situation en ces termes : « De lenk Hand wösst nët wât de riechs geng maen – et wor keng Lin am ganzen … et wôr Scheiss !!!»

*

REULAND, Directeur général de la Police suggérait à l’enquêteur SCHEUER : „Legt doch Holz auf die Akte und macht etwas anderes, es gibt noch viele interessante Aufgaben in der Polizei.“ (Réquisitoire du Procureur d’Etat p.97)

Regardons de plus près comment l’enquête judiciaire fut systématiquement sabotée dans le but évident de n’aboutir à aucun résultat – si bien qu’en 2022, soit 38 ans après le premier attentat, on reste toujours dans la case de départ.

Il n’y a rien de rien.

177 audiences n’ont pas suffi pour trouver la traverse menant aux responsables que pourtant le Procureur Général d’Etat semble (à en juger d’après ses propres déclarations) bien connaître : « Ils sont à trouver très haut ! »

On ne sait toujours pas :

  • Qui a conçu le scénario ? Et pourquoi? Quels ont pu être les motifs réels à la base de cette inouïe initiative ?
  • Qui était responsable du planning ?
  • Qui sont les personnes si haut placées que le Procureur Général considère comme les vrais responsables ?
  • Pourquoi le Procureur Général, connaissant apparemment ces responsables, n’a-t-il jamais ouvert une enquête judiciaire contre eux ?
  • Sur ordre de qui l’enquête judiciaire fut-elle sabotée ?
  • Sur ordre de qui la série allait-elle s’arrêter après l’attentat WAGNER ?

Et là nous trouvons la paradoxale mais ferme et inébranlable conviction et assertion de HARPES qui affirmait urbi et orbi que l’attentat contre le Colonel WAGNER allait finir la série.

Il qualifie cet attentat de « Abschied-bombing »

« ELO AS ET ERIVER »

D’où le savait-il ?

Qui était son généreux informateur ?

*

Le Tribunal a mis l’affaire principale provisoirement entre parenthèses par un jugement rendu le 02.07.2014 qui a entraîné le renvoi de 7 nouveaux prétendus acteurs devant le Juge d’instruction.

Le seul élément vraiment nouveau depuis des décennies de vaines cogitations judicaires, nous fut communiqué par une récente déclaration du Parquet :

En effet, le Parquet a informé l’opinion publique par un communiqué court mais incisif que dans le dossier lui transmis par le Juge d’instruction à la suite des devoirs ordonnés par décision du Tribunal (02.07.2014), il aurait fini par trouver, contrairement à ce qu’avait opiné le Juge d’instruction de l’époque, le sieur NILLES, actuel Procureur d’Etat à Diekirch, suffisamment d’éléments de « culpabilité éventuelle pour solliciter l’inculpation de GEIBEN, qui hante le Bommeleeër et qui tout au long de la procédure, fut considéré à tort ou à raison, comme l’acteur principal ».

(D’après les ultimes recherches du Parquet, il semble « à raison » plutôt « qu’à tort »).

Quand l’enquêteur KLEIN à la fin de l’audience du 30.04.2014 finissait son analyse sur GEIBEN, il « reconnaît » avec amertume :

« Voilà un puzzle auquel manque un élément important de fermeture.

Il y a un trou béant – je ne suis pas arrivé à le combler ».

Voilà que le Parquet semble y avoir enfin pourvu – en fin limier, il a mis plusieurs décennies pour y arriver – Bravissimo !

Un tel exploit aurait fait le bonheur de Courteline.

*

Ultimes questions :

  • Qui sont les salauds ?
  • Qui sont les ordures ?

Qui par lâcheté ne reconnaissent pas leur responsabilité et se contentent d’observer comment deux innocents sont immolés sur l’autel de la Justice.

*

Voyons les choses de près pour que l’opinion sache comment on fonctionne au plus haut niveau de l’Etat toutes autorités des 3 Pouvoirs confondus.

  1. LES ORGANES D’ENQUETE
  1. Dans son réquisitoire, le Procureur d’Etat nous apprend qu’il résulterait d’un procès-verbal du conseil de Gouvernement du 02.10.1985 (soit à un moment où la plupart des forfaits avaient été commis), que le Ministre de la Force Publique fût confirmé dans sa décision de confier la responsabilité du dossier à un seul et même officier.

Deux ans étaient pratiquement perdus !!!

Il a été impossible de connaître le nom de cet enquêteur fantôme.

Le Procureur d’Etat reconnait que ce défaut d’identification n’a pas facilité l’enquête.

Ce point est toujours non éclairci après 35 ans d’enquête et 177 audiences du tribunal criminel.

Il faut savoir qu’il n’y a eu ni perquisitions, ni saisie de documents dans les Ministères concernés.

C’était bien sûr voulu !

  1. Le chaos de l’enquête prend ensuite une allure ahurissante.

On verra défiler groupe d’enquête sur groupe d’enquête.

LE GOR

Octobre 1985 – un groupe, le GOR, fut constitué sous les ordres de Aloyse HARPES apostrophé de menteur par le Juge KLEIN à la 105ème audience.

Ce ne fut que le 07.08.1985, soit depuis plus d’un an et demi après le 1er attentat, donc avec un retard très regrettable et tout à fait pernicieux pour l’enquête, que furent institués, sur initiative du Colonel HARPES, 2 entités d’enquête, dont un groupe d’observation et de recherche connu sous l’abréviation GOR.

On nomme à la tête de ce GOR un officier inexpérimenté, très faible, asservi à la hiérarchie – c’était bien sûr voulu.

BERSCHEID, Officier de Police Judiciaire, entendu le 15.12.2007, fait une déclaration bien ahurissante :

« Innerhalb des GOR ist uns aufgefallen, dass die jungen Offiziere morgens immer verschwunden waren und man sie den ganzen Tag nicht mehr sah. Wir haben die Information dass diese externe und interne Leitungen abhörten. Wir brachten hieraufhin das Gerücht in Umlauf, dass wir beabsichtigen würden den Abhörraum zu stürmen. Kurz darauf waren die Offiziere morgens wieder anwesend ».

Incompétence

STIEBER, chef du GOR durant 10 mois, entendu le 09.01.2008, concède : « Nous n’avions ni la formation, ni le matériel adéquat pour assurer une mission d’observation. »

D’où le résultat connu, qualifié par le Procureur de « BRACH ».

Nous apprenons par Alain THILL (12.03.2008) que pratiquement de suite après l’attentat WAGNER, le GOR fut dissout : „Dies war für mich unverständlich, weil die Täter ja zu diesem Augenblick noch nicht gefasst waren“.

Les audiences 78 et 79 étaient focalisées sur ce désastre.

  • 13.01.1986, soit 3 mois après sa constitution, modification du groupe.
  • 01.10.1986, dissolution du groupe.
  • 04.02.1988 – le Juge d’instruction KLEIN « retire le dossier » à l’enquêteur principal DISEWISCOURT pour le confier à un autre groupe d’enquête.

DISEWISCOURT, à l’époque où il était chef des enquêtes, s’était présenté au bureau de KLEIN avec un sourcier (WÜNSCHELRUTE) pour repérer le responsable des attentats.

Faut-il encore un commentaire ?

À l’audience du 21.10.2013, HAAN apprend au tribunal et à la défense médusés, qu’il avait été nommé chef des enquêteurs par décision du 07.10.1985.

Il ne l’avait jamais appris.

***

  1. Même chaos au niveau des juges d’instruction :

Mathias GOERENS somnolait sur le dossier jusqu’en septembre 1985. RIEN !

Quand la Présidente lui demandait pourquoi il est resté si passif, il a répondu : « dat ass eng gudd Frô ».

Selon KOHNEN, il n’avait qu’un intérêt : figurer sur les photos de presse.

Constitue une faute lourde, le désintéressement par un Juge d’instruction d’une procédure en cours.

C.A. Paris 06.09.1994 Jurisdata 022-968

JAEGER (1 mois en fonction octobre 1985). RIEN !

KLEIN déclarait à la 88ème audience qu’il n’avait aucune aide : « Ech sin am Réen stoe geloss gin » (octobre 1985 à octobre 1991).

LUTGEN (octobre 1991 – octobre 1993). RIEN !

LINDEN (01.04.1993 – 15.11.1996). RIEN !

WALLENDORF (novembre 1996 – 98). RIEN !

Ensuite l’actuelle directrice du SREL, Madame WOLTZ.

***

  1. Même chaos au niveau du Parquet :

Il faut se souvenir du Procureur d’Etat adjoint HARY, constamment aviné (suivant KOHNEN) qui révélait au zinc à qui voulait l’entendre les détails de l’enquête, si bien que les fuites, qui faisaient le bonheur des criminels, avaient pour première source le Parquet qui supervisait d’un œil aviné le chaos qui se déroulait sous ses yeux las et fatigués.

Ajoutons-y le Procureur Général WAMPACH qui savait recevoir avec courtoisie le dégouté Juge d’instruction KLEIN, venu apporter la bonne nouvelle du sourcier.

Il ne lui prêtait la moindre oreille pour l’écouter.

***

  1. Le temps mort :

Le Procureur d’État dans son réquisitoire est bien obligé de reconnaître que de 1992 à 1999, soit durant 7 longues années (toutefois fort précieuses parce que se situant dans un temps très proche des attentats), rien ne fut entrepris.

Le Procureur d’État choisit le vocable le plus atténuant pour caractériser ce scandale – il parle d’un simple relâchement et cela au plus chaud de l’affaire.

Rien ne fut entrepris quand tout pouvait encore faire l’objet d’investigations utiles.

Un temps précieux fut gâché – c’était l’époque où se produisait la déperdition des preuves et la curieuse disparition des pièces du dossier.

Pour la défense de SCHEER une catastrophe !

  1. LES INSUFFISANCES ET IRREGULARITES DE L’INSTRUCTION EN GENERAL :

Citons encore une fois le Procureur d’Etat BIEVER à la page 7 de son réquisitoire :

  1. « Il s’entend qu’au cours d’une enquête judiciaire, surtout si celle-ci s’avère être longue et complexe, il est sinon normal tout au moins compréhensible que l’une ou l’autre erreur d’appréciation ou d’organisation se révélant défaillante se produit ».

Puis cette phrase qui va droit au cœur de la chienlit :

« Toutefois, ce qui s’est passé en l’occurrence du point de vue d’empiètement de compétences, d’inobservation des règles fondamentales en matière de procédure pénale, de fautes gravissimes est plutôt sidérant. ».

Même le si réticent Procureur Général WAMPACH a dû reconnaître à l’audience 138 que l’enquête judiciaire a été sabotée de toutes parts (ouvrons une petite parenthèse pour rappeler que les enquêteurs en charge de l’affaire représentent cet Etat prédateur qui tend la main pour obtenir réparation de la chienlit).

Autre petite curiosité : à la même audience 138, WAMPACH a dit qu’à son sentiment il faudrait, pour comprendre les attentats, chercher du côté des Américains.

Il ne l’a jamais fait !

Mais il avait bien senti d’où venaient les puanteurs.

La Présidente du Tribunal criminel, après avoir entendu Georges ZENNERS, section de recherches, membre du GOR, a eu ce propos qui marquera au fer rouge le procès :

« Muss ée feststellen dat am Bommeleeërdossier interne sabotage um höchsten Niveau praktizéert gouf » !!!

À la 161ème audience, la Présidente du Tribunal Criminel a déclaré : « Et as alles schief gelaâf – Waât och nëmmen konnt schief laâfen. Et muss éen unhuelen dass dât gewollt wâr ».

  1. Faisons l’inventaire de ces conneries dignes d’une République bananière et faisant honte à la justice.
  1. Témoins oculaires :

KLEIN, entendu le 16.03.2007, apprend aux enquêteurs que c’est seulement en 1988 qu’il apprenait qu’à chaque attentat « wichtige Augenzeugen ermittelt worden waren »

Il en résultait dit-il „einen schwer wieder aufzunehmenden Verzug der Ermittlungen, da diese Zeugen erst Jahre nach ihren Feststellungen zur Sache vernommen werden konnten“.

  1. Portraits robots:

On les confectionnait pour décorer les bureaux.

Aucune diffusion au public, ni par média, ni par affiches.

Aux audiences des 4 et 5.03.2013, l’enquêteur a dû reconnaître que les portraits robots des suspects, vus de très près par des témoins, n’ont fait l’objet d’aucune diffusion.

  1. Spurensicherung:

« Die ganze Spurensicherung war eine Farce. Eigeninitiativ war nicht gefragt, die sogenannten grauen Eminenzen ließen nichts zu » – Témoin BERSCHEID, Officier de Police Judiciaire, le 26.05.2004.

À l’audience 126, HAMEN confirme « Spurensicherung war katastrophal ».

  1. À l’audience du 12.11.2013, STIEBER qualifie l’enquête diligentée « Et war nëmmen Gewurschtelt »
  1. HANEN à la 126ème audience qualifie les enquêteurs : « Ein hilfloser Haufen ».
  1. Pas de contact avec la justice :

STIEBER précise dans sa déclaration du 24.01.2008 que le « GOR n’avait pas de contact avec les autorités judiciaires. Ainsi je n’ai jamais rencontré un juge d’instruction. »

HAAN dans sa déclaration du 05.09.2009 relate un propos significatif d’Aloyse HARPES, le commandeur en chef des enquêteurs : « Er hat versucht mir zu erklären, die Ermittlungen seien polizeilicher Natur, deshalb müsste man den Gerichtsbehörden nicht alles mitteilen ».

DISEWISCOURT fait une déclaration similaire le 16.11.2009.

  1. Radio de la gendarmerie

Dans leur rapport de synthèse du 29.01.1988, page 136, les enquêteurs s’étonnent que les poseurs de bombes avaient les meilleurs contacts avec ceux-là mêmes appelés à les surveiller : « Es dürfte allgemein bekannt sein, dass das Abhören der Gendarmerie ohne großen Aufwand zu bewerkstelligen ist. In gegenwärtiger Angelegenheit wissen wir, dass die Täter den Gendarmeriefunk abhörten ».

  1. Écoute téléphonique

Alors que le SREL disposait de toute la logistique pour faire une écoute utile, rien ne fut entrepris.

KUFFER Jean Marcel, né le 14.07.1945, demeurant à Bertrange, entendu le 25.03.2009 déclare :

Ab 1983 oder 1984, wurde ich zuständig für Telefonüberwachung.“

Sur question: „Wurden Abhörungen im Zusammenhang mit den Sprengstoffattentaten durchgeführt und gleichzeitig Observation gefahren?

Ich habe keine Kenntnis von solchen Massnahmen.[…] Technisch wäre dies durchaus möglich gewesen, da wir zu dem Zeitpunkt mit Analogtechnik gearbeitet haben…“ (puis il parle des Anschaltgeräte en employant la délicate expression „Neger“).

Le suspect n°1, GEIBEN, ne fut à aucun moment sur écoute (SCHOCKWEILER 09.12.2003)

HOFFMANN, le chef du SREL a dû le reconnaître à la 90ème audience.

  1. L’équipement des forces publiques

Dans une déclaration du 03.08.1994, Alexis KREMER, directeur de la CEGEDEL, en rapport avec les attentats d’avril et mai 1985 écrit :

« L’équipement des forces publiques est lamentable. Les transmissions radio peuvent être écoutées par quiconque est quelque peu équipé. Il n’y a rien pour enregistrer des conversations téléphoniques. Nous achetons le nécessaire et mettons les enregistrements à la disposition de la sûreté publique. »

  1. Pièces à conviction

Des pièces à conviction furent supprimées par le service de renseignement, sans qu’il y ait eu de quelconques sanctions.

D’autres pièces disparaissaient entre les mains du FBI (pourquoi le FBI ?) qui bien sûr ne les restituait jamais.

Ajoutons le détail croustillant rapporté à la 96ème audience par SCHOCKWEILER que les pièces furent remises à des personnes qu’on présumait appartenir au FBI, donc sans contrôler l’identité.

A l’audience 90, HOFFMANN a dû reconnaître que c’est sur initiative de la CIA que le FBI s’emparait des dossiers à la barbe du Juge d’instruction, qui n’en fut pas même informé.

A la 111ème audience, le témoin GLODT, détaché au service technique de la sûreté Publique, nous apprenait qu’en 1996 (intéressant de noter qu’à cette date, toute l’enquête stagnait – c’était le flou du relâchement), SCHOCKWEILER, Chef de la Police Judiciaire, qui n’avait plus aucune qualité, est venu chercher une caisse dans laquelle se trouvait un ensemble de pièces en rapport avec l’affaire.

En quittant les lieux, il disait à GLODT qui lui rappelait le devoir de ramener ces pièces, cette réflexion lénifiante : « léet éere Kapp an Roh … »

Les pièces ne furent jamais retrouvées.

Même déclaration faite par DOUSEMONT à la 136ème audience.

  1. LES PISTES LES PLUS SÉRIEUSES ET SUR LESQUELLES CONTINUE À PESER LOURDEMENT LE FAMEUX FAISCEAU DE PRÉSOMPTIONS GRAVES ET CONCORDANTES
  1. Négligence totale de la piste du STAY BEHIND sur laquelle la défense se réserve de revenir longuement en temps et lieu voulus.
  1. La piste de l’INSIDER a été tout autant négligée.

Dans son réquisitoire, page 51, le Procureur d’Etat reconnaît que la piste INSIDER a été totalement négligée.

Il écrit quant aux auteurs réels :

« Il résulte de l’ensemble du dossier que la piste « inside » était toujours dans les esprits de certains enquêteurs, il ne reste pas moins qu’aucune enquête ou autre mesure d’investigation dans cette direction ne fut menée avec détermination. »

Un absolu scandale qui a eu pour résultat de gangréner le dossier jusqu’au plus profond de sa substance.

Exemple : l’importante piste STEIL.

Cet individu qui a joué un rôle particulièrement ténébreux (voir en particulier l’attentat au Palais de Justice), fut reconnu par les enquêteurs comme le Bommeleeër.

GINDT à la 117ème audience est formel pour dire : « Et wôr vun Ufank un kloer dat GEIBEN an STEIL an der rumeur woren – an der ganzer Police as ët gesôot gin ».

Entendu à la 104ème audience, STIEBER reconnaît que quand les enquêteurs ont quitté STEIL (il fut interrogé le 30.06.2004 – 1 mois avant son décès – c’étair au demeurant son seul interrogatoire reçu in articulo mortis), ils avaient pratiquement la conviction d’avoir rencontré le Bommeleeër.

Il n’avait jamais fait l’objet d’une quelconque observation (Rapport n° AE 554/07 du 27 février 2007).

Ce suspect n°1, expert en explosifs, assistait ( !!!) aux réunions des officiers où s’échangeaient toutes les informations et où on préparait l’observation des suspects (ainsi il assistait à la réunion où fut préparée l’observation de GEIBEN – attentat du Palais de Justice).

Impossible pour la défense d’entendre le principal suspect sous la foi du serment.

Une perte inouïe sur le niveau des preuves.

Il est décédé en juillet 2004.

  1. La piste de l’Armée

voir au début de l’article sub « le rôle de l’armée Luxembourgeoise »

  1. La piste GEIBEN

La piste GEIBEN qui est à l’ordre du jour du début des attentats à ce jour – considérée comme la piste la plus sérieuse – la plus évidente – n’a jamais donné lieu de la part du Parquet, à une quelconque inculpation.

Comprenne qui pourra.

GEIBEN est le premier à ne pas comprendre :

« Wenn ich als Verdächtiger in Betracht gezogen wurde, so stelle ich mir die Frage warum dann die Ermittlungen gegen mich nicht intensiviert wurden ».

SCHOCKWEILER, Directeur de la Police judiciaire déclare le 02.06.1999:

« Die Beamten wollten diese Piste nicht weiterverfolgen.

Da es sich bei GEIBEN um einen höheren Offizier handelte wollte niemand sich die Finger verbrennen ».

Au Cabinet d’instruction, il fait cette déclaration le 02.06.1999 :

« Geiben war unsere beste Spur.»

Ce n’est qu’au début mars 2022, soit plus de 20 ans plus tard que le Parquet arrive à la conclusion que SCHOCKWEILER avait probablement raison !

***

L’attentat au Palais de Justice répond à lui seul à toutes les questions lancinantes restées sans enquête et donc sans réponse. (Voir plus loin – paradoxes)

C’était le mérite de la 173ème audience de lever le voile sur cette « énigme ».

Comment un Procureur d’Etat diligent, circonspect, impartial, intéressé à une bonne administration de la Justice a-t-il pu laisser hors de la ligne de tir un tel individu sur lequel pesaient de tels graves soupçons.

***

GINDT, Chef de la section de recherches de la Police, a parfaitement résumé la chienlit à la 117ème audience : « De lenk Hand wösst nët wât de riechs geng maen – et wor keng Lin am ganzen … et wôr Scheiss !!!»

  1. STAATSAFFAIRE – LA PIEUVRE QUI SE LOVE DANS LE DOSSIER
  1. En général

La grande question qui traverse comme un fil rouge le dossier de part en part n’a à aucun moment été creusée, à savoir qui était le vrai Bommeleeër, alors pourtant que des témoins d’une exceptionnelle importance avaient fait de graves allégations à ce sujet.

D’aucuns sont décédés, mettant ainsi le tribunal et la défense dans l’irrémédiable impossibilité de les questionner, ce qui donne au procès un caractère idiot.

STEIL, DISEWISCOURT, REULAND, se vantaient d’être dans le secret de l’Olympe et s’amusaient à ne rien révéler.

Le Juge d’instruction et le Procureur Général d’État, dont on peut supposer qu’ils ne savaient rien de particulier, avaient, hommes de bon sens, simplement compris qu’il en était ainsi et ne pouvait pas être autrement ; qu’il fallait bien admettre que la décision scélérate fut conçue, fomentée, planifiée au plus haut sommet de l’État.

Reste seulement la question de savoir sur ordre de qui ?

Après 35 ans d’investigation, toujours RIEN !

Soit dit entre parenthèses, ce questionnement sur le rôle de l’Etat partagé par le chef du Parquet !!!! – met en pièces la fausse et lénifiante construction qu’il avait cru bon d’échafauder autour du faux problème de l’augmentation du budget de la Police.

On va mettre ce manque de compréhension sur le compgite d’un égarement passager.

***

  1. En particulier

Il importe de revenir en force sur ce sujet qui porte en lui un explosif majeur : celui de la vérité, dont l’Etat qui se contente d’être cyniquement partie civile, est le premier à ne pas désirer la révélation.

  1. Prosper KLEIN Juge d’instruction en fonction dans le dossier en discussion du 01.11.1985 jusqu’au début 1991 déclare à l’audience 88, sous la foi du serment : « Et ass eng Staatsaffaire dee nët dërf opgeklärt gin ».
  1. STEIL

La dame FUCHS, compagne de Steil de 1978 à 1998 fait acter le 17.01.2013 par Me DECKER une déclaration où elle précise que STEIL prétendait connaître à 100% l’auteur ; qu’il serait très « schlau » et qu’on ne le trouverait jamais.

Le fils de STEIL fait une déclaration similaire.

Aux audiences du 20 et 21.11.2013, le Colonel BOURG, un ami de STEIL confirme ces importantes déclarations.

STEIL s’était en effet confié à BOURG, qui l’avait d’ailleurs invité à en parler aux autorités.

Il restera incompréhensible que STEIL ne fut à aucun moment interrogé à ce sujet.

(déclaration de SCHOCKWEILER, Chef de la Police Judiciaire, à l’audience du 04.12.2013)

  1. Le commissaire-enquêteur en chef DISEWISCOURT fait à son tour la même déclaration.

Cet individu à la tête de l’enquête a le culot de déclarer à toutes sortes de personnes dont le journaliste LORENT (134ème audience) et J.P. SCHNEIDER (140ème audience) : « Ech wies wien ët wôr – Mais Dât Geheimnis huelen ech mat ant Graaf – Soguer meng Frâ gët ët nët gewuer ».

HAAN relate une discussion qu’il avait eue avec DISEWISCOURT en présence du colonel DIEDERICH fin juin 1992.

DISEWISCOURT répétait alors (il devait le savoir ayant été chef-enquêteur) connaître le Bommeleeër, mais qu’il ne le révèlerait à personne.

À l’audience du 24.02.2014, confirmation du même par le témoin WIRTZ.

Ainsi la défense de SCHEER restera à tout jamais privée du droit d’interroger DISEWISCOURT sur la substantifique moelle de l’affaire : Qui était donc l’auteur que vous dites connaître et pourquoi dissimulez-vous son identité – qu’entendez-vous par secret en relation avec une « Staatsaffaire » ?

Cet important témoignage ne fut jamais creusé, par aucun des nombreux juges d’instruction.

Le chef de l’enquête connaissant l’auteur refusait d’en révéler l’identité !!

Une cruelle farce.

Depuis il est mort et a emporté, comme il l’avait promis, le secret dans sa tombe. (voir pièce en annexe (a) Lettre de Rita Boors du 08.03.2013 à laquelle DISEWISCOURT avait dit exactement les mêmes choses étranges et restée lettre morte)

  1. REULAND (verbatim du 07.10.2013)

« Sur base de mon expérience de 30 ans dans la police, je déduis 2 choses :

  1. Avec une « absolue Sicherheit », une personnalité haut placée à Luxembourg ou à l’étranger, était compétente pour le planning.
  1. Il ajoute que « si un enquêteur avait demandé accès aux archives 1985, il se serait heurté à un mur : « dann kann een awer sëcher sin dass mär dann ob dem Niveau gewierscht wieren wou Schluss wuar ».« 
  1. Le Procureur Général d’Etat BIEVER, convoqué devant le tribunal criminel pour s’expliquer sur l’étrange rencontre qu’il avait eue le 16.04.2008 avec GEIBEN dans la maison privée d’un des enquêteurs (Oberdonven), a reconnu lors de l’audience qui s’est tenue le 12.03.2013 : « Il faut trouver très haut les vrais responsables ».

En clair, au sommet de cet Etat qui a le cynisme de présenter une partie civile pour demander réparation du dommage qu’il a lui-même causé. Il est un fait qu’à l’époque où BIEVER était aux manettes du Parquet, il a refusé de faire la « cordée » au sommet pour y trouver, ceux qu’il savait être les auteurs et les poursuivre.

Le courage et le désir d’aboutir n’allaient pas jusque-là.

C’était une ligne rouge que personne n’osait enjamber et qui continue à hanter l’ensemble du procès et cela ab initio.

À la 128ème audience, HAAN dit avec amertume et dépit : « Mir sichen de Kapp ».

  1. HOFFMANN

Selon un manuscrit émanant du directeur du SREL et du chef du STAY BEHIND HOFFMANN, discuté à l’audience du Tribunal criminel, les attentats auraient répondu à une opération globale planifiée par des groupes d’extrême-droite, sous les ordres d’un INI (individu à dessein non identifié) qui aurait choisi les objectifs, la date de l’attaque, et qui aurait assuré l’endoctrinement intellectuel de ses hommes avec à la clef, un entraînement physique.

Précieuse indication, bien que nébuleuse, suggérant sans le dire expressis verbis le monde « GLADIO », c’est-à-dire du STAY BEHIND italien.

Comment se fait-il que le SREL, disposant du célèbre « Neger », n’avait rien entrepris pour chercher plus loin et trouver enfin les salauds ?

On ne fait pas ce qu’on ne veut pas faire.

  1. LES PARADOXES

Relevons pour finir cet ordre d’idées de singuliers paradoxes qui démontrent à eux seuls que tout fut fait pour faciliter l’exécution des attentats.

– L’armée qui cesse de contrôler le FINDEL le 16.09.1985 à peine deux mois avant l’attentat.

– La remise des dossiers au FBI, sans contrôle d’identité, sans inventaire, sans aucun écrit.

– Le 28.05.1985, une charge éclate entre le polygone n°30 de la ligne HEISDORF – DUPONT. Alexis KREMER note dans son rapport du 03.08.1994 : « Nous nous posions la question comment cet attentat a pu être réalisé alors que Securicor surveille la ligne. Les responsables de Dupont-Nemours avouent que cette partie de ligne n’était pas surveillée.

– l’attentat Palais de Justice et la piste GEIBEN:

Le 16.10.1985, le Palais de Justice fut mis sur la liste des sites à observer. Le jour de l’attentat, le 19.10.1985, personne ne se trouvait in situ pour protéger l’immeuble.

Une mission d’observation de GEIBEN fut interrompue à 17h00 (rapport AE 496/06 p.5 sus 97).

L’attentat se commet 6 heures plus tard.

L’observation fut reprise post festum après minuit !!!

Retenons encore que l’observation de GEIBEN décidée le 18.10.1985 fut dissimulée au Juge d’instruction qui n’en fut informé que 19 ans plus tard, le 30.04.2004 et retenons surtout que le complice STEIL faisait part du groupe d’observateurs et pouvait utilement renseigner son ami GEIBEN. (INSIDER !!!)

– SCHOCKWEILER déclare le 2 juin 1999 (78/97) au sujet de GEIBEN :

„Die Beamten wollten diese Piste nicht weiterverfolgen. Da es sich bei GEIBEN um einen höheren Offizier handelte wollte niemand sich die Finger verbrennen.“

ZENNERS du GOR déclare le 18 mai 2004 :

« Konkret wurde nichts gemacht. Sein Name wurde nur hinter vorgehaltener Hand ausgesprochen.“

– NESER qui à son tour faisait partie du GOR déclare que GEIBEN „bien que suspect“, n’intéressait personne (24 mai 2004).

– Arrivons au Procureur Général WAMPACH – le rempart de la justice :

Alain THILL déclare le 19 mai 2004 – AE 496/06 – 48/97 (THILL était membre du GOR) : „Ab einem gewissen Moment wurde in einer Besprechung mitgeteilt, dass wir die Spur GEIBEN fallen lassen sollen, weil der Procureur Général dies entschieden habe. Eine affaire du siècle sei genug.“

ZENNERS, à l’occasion de l’audition du 14.11.2013, reconnaît que tempore suspecto 6 semaines après, la rumeur confirmant les propos de THILL.

C’est ce même Procureur Général qui immédiatement après l’explosion au Palais de Justice, réussissait l’exploit de n’établir aucun lien avec la piste GEIBEN (sic JAGER le 23.01.2008)

SCHOCKWEILER nous apprend dans la déclaration reçue le 9 décembre 2003 : « Irgend wann verlief die Spur GEIBEN im Sand und es fragte niemand mehr danach, weder in der Ermittlergruppe noch von Seiten des Untersuchungsrichters. »

Et THILL de résumer la chienlit le 05.11.2013 par ces mots proverbiaux „Aus die Maus“.

  1. EN RÉSUMÉ

Commençons par les paroles d’un Procureur contrit : adressées le 24.01.2008 au Ministre FRIEDEN : « Rarement on n’aura vu un tel mépris des règles juridiques et des juridictions de la part de la Police dans un Etat de droit… tout cela est scandaleux et difficilement pardonnable ».

Son cœur a dû palpiter pour faire cet aveu.

Après 177 audiences, le procès pourtant instruit par le tribunal avec un maximum de sérieux et d’impartialité reste à l’état kafkaïen.

C’est un procès absurde qui devrait faire honte à l’Etat et qui met le tribunal criminel dans l’impossibilité de statuer et la défense dans l’impossibilité d’exercer pleinement ses droits.

Il est de jurisprudence qu’un procès n’est pas équitable, s’il se déroule dans des conditions de nature à placer injustement un accusé dans une situation désavantageuse.

Arrêt Monnell et Morris du 02.03.1987 – Série A n°115 page 24 paragraphe 62.

Faut-il souligner que le droit de la défense est une des principales composantes du principe de la prééminence du droit.

Arrêt Nejdet c/ Turquie – 20.10.2011 – Grande Chambre

Suite aux temps morts (7 ans après les faits) – suite à une montagne d’irrégularités, de gaffes, d’idioties à tous les niveaux de l’enquête – suite à la léthargie de l’Etat qui a failli à l’obligation de garantir au justiciable la protection juridictionnelle, la défense est dans la totale impossibilité d’exercer ses droits avec la plénitude voulue.

***

Des témoins capitaux sont décédés :

  • Colonel BRUCK
  • Raymond WAGNER
  • Procureur HARY
  • Colonel WAGNER
  • Le suspect n°1 STEIL (entendu 1 fois sur pas grand-chose et alors qu’il était au seuil de la mort)
  • Le capitaine SCHMIT, trouvé avec une balle dans la tête – sur son bureau, le dossier Bommeleeër
  • D’autres sont partis à l’étranger

Des témoins d’une importance capitale pour la défense :

  • BEFFORT et OLINGER, décédés, n’ont pu révéler en audience publique les tenants et aboutissants de tout ce qu’ils avaient pu observer au niveau des princes.

***

De nouvelles graves violations de la défense sont venues s’ajouter au dossier.

Suite au jugement du 02.07.2014, le Parquet a ouvert des informations contre d’autres personnes – un juge d’instruction fut saisi, il a mis cinq années pour aboutir à quoi ?

La défense de SCHEER n’a à aucun moment été convoquée à ces auditions qui étaient pourtant en relation directe étroite avec le dossier principal le concernant.

Il échet de citer sur ce point le jugement du 02.07.2014 :

« Tel que précisé par le représentant du Ministère Public, les devoirs d’instruction sollicités portent également sur des éléments, qui par conclusions écrites de Me Vogel et Lorang, avaient été demandées à la Chambre Criminelle… Ces devoirs demandés par la défense dans le but d’apporter des éléments à décharge. »

Et pourtant la défense de SCHEER ne fut admise à aucun devoir, bien quelle insistât d’y être convoquée.

L’arrêt de la Cour rendu le 28.05.2019 sur contestation de SCHEER de n’avoir aucun accès à cette instruction parallèle, mais importante pour la défense, n’enlève rien à la pertinence de ce moyen.

La Cour n’a en effet pas statué au fond, elle a simplement dit que la compétence pour y toiser était celle de la juridiction de jugement et pas celle du Juge d’instruction.

Le moyen en lui-même restant entier, est maintenu dans toutes ses forme et teneur.

***

À la 161ème audience, la Présidente du Tribunal Criminel a déclaré : « Et as alles schief gelaâf – Waât och nëmmen konnt schief laâfen. Et muss éen unhuelen dass dât gewollt wâr ».

Qui aurait pu mieux dire ?!

  1. CONCLUSION

Il tombe sous le sens que la défense est la seule à pâtir de cette horrible, scandaleuse, indicible chienlit.

***

Il résulte de tout ce qui précède deux choses :

  1. Le tribunal n’est pas en mesure de statuer en équité sur un dossier qui est vide, sans réponse aux questions essentielles – 177 audiences n’ont apporté aux débats que des rayons obliques.

Rappelons les propos désastreux de la Présidente, que tout a été fait au niveau de l’instruction préparatoire, pour saborder la recherche de la vérité.

Ainsi le Tribunal est appelé à statuer dans la plus totale précarité.

Il suffit de constater que pour décider en raison et dans le bon sens naturel, le Tribunal ne peut se passer d’une réponse à la question lancinante soulevée par une Juge d’instruction et le Procureur Général d’Etat.

Juge d’instruction : « Et ass eng Staatsaffaire dee nët dërf opgeklärt gin »

Procureur Général d’Etat : « Il faut chercher très haut pour trouver les vrais responsables »

  1. Quant à SCHEER : jamais durant toutes les longues années d’investigation :
  1. Il n’y eu un début de rumeur qui aurait mis SCHEER de près ou de loin en rapport avec les attentats (comme tel fut le cas pour STEIL et GEIBEN).
  2. À aucun moment ne fut trouvée une quelconque trace objective qui pourrait documenter une quelconque participation.
  1. Aucun témoin oculaire n’est venu apporter le moindre détail.
  1. Pas un début de commencement d’une preuve si légère fût-elle de culpabilité, ni indice, ni présomption quelconque – il n’y a rien à signaler au niveau du fameux faisceau.

Il n’y en a pas.

  1. Il n’y a pas eu d’aveu quoiqu’on puisse penser de certaines boutades de SCHEER sur lesquelles on aura l’occasion de revenir.

À supposer par impossible qu’on puisse, dans un moment d’égarement, considérer les propos de SCHEER comme un aveu, il ne faut pas perdre de vue que l’aveu (s’il y en a quod non) ne dispense pas le Ministère Public de faire la preuve de l’existence du délit et de la culpabilité, ni les Juges d’examiner le procès, à la différence de ce qui a eu lieu dans la procédure anglaise (GORPHE, La Preuve en droit pénal) et Donnedieu DE VABRES d’ajouter à la préface) que le Juge n’est tenu d’obéir, pour l’appréciation des témoignages et indices, qu’aux suggestions de sa raison et de sa conscience.

De toute façon, la conscience du Juge doit être l’effet d’une preuve, conclusion d’un travail préliminaire de réflexion et de raisonnement ne laissant plus de doute dans l’esprit d’une personne raisonnable (Cour d’appel, 4 novembre 1974, Pas. 23, p. 40).

  1. Durant les 177 audiences le nom de SCHEER pourtant, l’un des deux seuls accusés, ne fut que si marginalement mentionné qu’un observateur non averti, voulant assister au procès, aurait pu se poser la question s’il ne s’était pas trompé de salle d’audience.
  1. Un ultime mot grave qui nous vient de Wiesbaden, confirmant l’impossibilité de charger SCHEER.

Le 20.05.2008, la Juge d’instruction, accompagnée des deux enquêteurs KLEIN ET SCHEUER se rendent à Bundeskriminalamt de Wiesbaden pour voir si on ne pouvait confondre les actuels accusés d’un crime qu’ils déclaraient n’avoir jamais commis.

Déjà 20 jours plus tard, le 09.06.2008, la Juge WOLTZ eut la réponse qui ne devait pas lui plaire, parce qu’elle est aux antipodes de ce qu’on avait espéré au niveau de l’enquête menée avec tant de partialité.

« Es wurde von KI 13 bereits mit negativem Ergebnis versucht, Ansätze zur Überführung der beiden aktuellen Tatverdächtigen zu generieren ».

  1. À supposer pour les besoins de la discussion, sans la moindre reconnaissance préjudiciable, sous réserve formelle des contestations énergiques de SCHEER, que l’accusé eût participé à la série des attentats, le Tribunal le condamnant aurait renoncé à une décision juste en retenant dans les liens de la prévention un simple exécutant, un lampiste, un bouc émissaire.

Il fermerait le dossier sur tout le reste, qui resterait ainsi dans un épouvantable suspens. – Cela arrangerait évidemment les gens de l’OMERTA.

Ils sauteraient de joie à la bonne nouvelle. – Ce qui ruinerait le crédit dans la Justice – personne ne comprendrait que ceux qui avaient tout planifié, désigné les exécutants, tout préparé, tout organisé, se tiraient d’affaire sans une égratignure.

Un vrai scandale.

Une vraie justice ne peut faire un tel naufrage.

La justice est une humanité et au risque de passer pour « Weltfremd », elle ne peut pas se passer de ce que la raison et la conscience lui dictent.

Parce qu’elle est pénale, elle œuvre à un idéal, celui d’être juste.

Parce qu’elle est pénale, elle exacerbe le sentiment du juste – ou son contraire, celui d’être injuste.

Elle focalise les regards, les attentes, les déceptions et les soupçons.

Et ainsi s’applique la pensée de Chamfort :

« L’opinion publique est une juridiction que l’honnête homme ne doit jamais reconnaître parfaitement et qu’il ne doit jamais décliner ».

À QUI PROFITAIENT CES ATTENTATS ?

LE STAY BEHIND :

Une piste qui selon MILLE, Directeur du Service de Renseignement de l’Etat, ne fut sur ordre du Procureur d’Etat pas explorée : « Do ass näischt ».

Comment expliquer une série d’attentats gravissimes dans un pays qui tient dans un mouchoir et où tout se sait, reste sous le secret absolu et ce, depuis 30 ans ?

Il faut supposer une organisation complexe dirigée par des hommes-clé ayant placé des hommes-clé au plus haut niveau de décision.

L’enquête lamentable menée en cause démontre que la raison d’Etat est engagée et que rien ne peut se faire dans le sens d’un quelconque éclaircissement.

Seule la piste du Stay Behind combinée à une structure d’actions bien dissimulée et de nature militaire offre un faisceau solide de présomptions graves et concordantes, ayant pour assise la matrice historique 84 à 86 où le Shape a par ses organisations clandestines orchestré la terreur en Europe.

MILLE, ancien chef du SREL l’a bien compris.

Même FISCHBACH semble y attacher une certaine importance (audition 155).

Faut-il rappeler dans ce contexte que l’hystérie guerrière était telle à l’époque qu’en 1983, sans préjudice de date exacte, une allocution fut préparée à l’intention de la Queen dans laquelle elle devait préparer son pays à l’éclosion d’une troisième guerre mondiale.

Généralités

Il y a le Stay Behind stricto sensu – c’est le Plan avec ses braves manipulant les postes de radio – et puis il y a le Stay Behind lato sensu – c’est les actions qui étaient confiées à une structure militaire secrète.

Sans filière militaire, on ne saisit pas le dossier dans ses abscisses et coordonnées.

On reste à la périphérie des choses, une périphérie dirigée et choyée par ceux qui savent.

Stay Behind lato sensu ou stricto sensu – l’idéologie à la base – stratégie de la tension – est strictement la même.

  1. L’Institution au sein du SREL est incontestée et incontestable (cf. lettre de Ch. HOFFMANN du 11 décembre 1990 au Premier Ministre).
  1. Les réseaux Stay Behind ont été coordonnés au niveau de l’OTAN dans l’objectif que l’OTAN ait l’assurance que chaque pays membre de l’OTAN, conformément aux engagements vis-à-vis de l’Alliance Atlantique, dispose d’un réseau fonctionnel, doté d’un mécanisme de coordination et de communication fonctionnel au moment du conflit armé entre les Forces Armées du Pacte de Varsovie et du Pacte Atlantique (sic HECK, 24 février 2014).

HECK s’est bien gardé de mentionner le document FM 30-31 B qui est le plus important document du Pentagone mentionnant expressis verbis les Stay Behind armées.

La défense joint un document qui lui est parvenu le 13 juin 2014.

Ainsi le Stay Behind s’inscrit dans le cadre de la guerre froide.

Alors qu’il suffit de s’informer un tant soit peu pour apprendre que c’est au sein de l’OTAN que le réseau Stay Behind fut conçu sur une échelle européenne.

  1. le rapport du Sénat belge de 1991 explique très bien l’autonomie des réseaux de Stay Behind nationaux.

Voici ce qu’en dit pourtant le Sénat belge (n° 00308) :

« 5. Sur le plan international, une structure a été mise en place, au sujet de laquelle on ne sait finalement que très peu de choses.

Devant la commission, l’accent a souvent été mis sur le caractère spécifiquement belge de notre propre réseau, mais il est indéniable que la structure même de Stay Behind est d’origine internationale et que des contacts internationaux et des exercices communs devaient assurer la coordination de l’ensemble sur tout le territoire des pays affiliés à l’ACC. L’écolage des instructeurs se faisait souvent à l’étranger, d’où provenaient, en partie, les appareils spécialisés.

14. En application du principe du « besoin d’en connaître » et compte tenu du caractère essentiellement secret de l’organisation, on a défendu jusqu’au bout son autonomie, même vis-à-vis des responsables politiques, au point que tout contrôle sur son fonctionnement, la cessation de celui-ci ou son éventuel redémarrage était exclu dans les faits.

15. On nie obstinément (sans que cela soit prouvé) qu’il y aurait eu une quelconque collaboration, en Belgique, avec des réseaux étrangers, mais on reconnaît que l’on a veillé, pour ce qui est du fonctionnement, à une certaine coordination, avec ces réseaux en vue d’exercices bilatéraux ou multilatéraux, notamment. »

  1. Citons l’important article paru le 1er janvier 2008 sous la signature de Ola TUNANDER, grand historien suédois : «  Democratic state Vs Deep State : approaching the dual state of the West ».

« The Stay Behinds were coordinated in Brussels by the very secret Allied Clandestine Committee (ACC) and by the equally secret Clandestine Planning Committee (CPC) . In addition, there was a parallel structure. (…) The US created and maintained special intelligence ties and clandestine ties with individuals not only in Italy and Belgium but all over the world ».

On s’arrête là pour le moment.

Ce que vous avez lu n’est qu’une très faible partie de ce que constituera peut-être un jour la plaidoirie définitive.

Luxembourg, le 28 mars 2021

Profond respect.

s. Gaston VOGEL

The secret armies of the Stay Behinds were recruised from the defeated fascist forces of S- Europe, France, Italy, Spain, Portugal and Greece.

ANNEXE

Lettre de Rita BOORS du 08.03.2013

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