Le Bommeleeër

Le Bommeleeër

25 octobre 2017 Non Par Me Gaston Vogel

LE BOMMELEEËR

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Le plus grand scandale dans l’histoire de la justice luxembourgeoise

Récapitulons quelques lignes-force :

  1. L’affaire remonte à plus de trente ans.
  2. Lors de la 88ème audience du Tribunal Criminel, le Juge d’Instruction KLEIN, en charge du dossier, déclare sous la foi du serment :

« Et ass eng Staatsaffaire dée nët dërf opgeklärt gin ».

3. L’enquête diligentée par le Parquet est un chef-d’œuvre d’incompétence et c’est peu dire.

a. Le Commissaire en chef, un nommé DISEWISCOURT, avait l’intelligence de proposer au Juge d’Instruction KLEIN de chercher les coupables moyennant un sourcier étendu sur une carte géographique.

Il était chef d’enquête !

b. A la 134ème audience, un témoin déclare sous la foi du serment que le chef de l’enquête avait reconnu connaître le Bommeleeër, mais ajoutait : « C’est un secret que je ne révèlerai jamais, même pas à mon épouse ».

c. A quatre reprises différentes, REULAND, qui supervisait l’enquête du GOR, répétait le propos lourd de sens : « On arrive à un point, puis on s’arrête ».

d. HARPES, ancien Colonel de l’Armée, à l’époque des événements était aux rênes de la gendarmerie, lance la piste GEIBEN.

e. Après le départ du Juge d’Instruction KLEIN, le dossier reste en sommeil jusqu’en 1998.

Durant huit longues années, rien ne se passait. On n’y songeait même plus.

f. Dans son réquisitoire, le Procureur d’Etat écrit : « Ce qui s’est passé au point de vue d’empiètement de compétences, d’inobservation des règles fondamentales en matière de procédure pénale, de fautes gravissimes est plutôt sidérant ».

g. Au fil des audiences, la Présidente du Tribunal Criminel a eu à plusieurs reprises et en particulier à la 161ème audience, cette réflexion qui vaut comme dénominateur commun pour tout le dossier :

« Et as alles schief gelaaf – Waât och nëmmen konnt schief laâfen. Et muss éen unhuelen das dât gewollt war ».

Elle rejoint ainsi le Juge KLEIN (voir point 2).

Terrible accusation à l’adresse de todos – les Gouvernements de l’époque bien entendu compris.

*

Encore quelques délicieuses précisions :

  • STEBENS, un des enquêteurs, reconnaît le 12 novembre 2013 : « Et war nëmmen Gewurschtelt ».
  • A la 126ème audience, HAMEN qualifie les enquêteurs de « hilfoser Haufen ».
  • BERSCHEID, autre enquêteur, nous apprend le 26 mai 2004 : « Die ganze Spurensicherung war eine FARCE ».
  • A la 126ème audience, HAMEN confirme : « Spurensicherung war katastrophal ».
  • Pas d’écoutes téléphoniques des principaux suspects (HOFFMANN, 90ème audience).
  • Portraits robots : ils décoraient les bureaux des enquêteurs. Aucune diffusion vers l’extérieur. C’est le but de ces portraits de rester secrets. Pauvre justice.

On peut noircir des pages et des pages entières toutes documentant une misère impossible sur le plan des enquêtes judiciaires.

*

Retenons encore un point fort du dossier.

Le Colonel HARPES, aux rênes de la Gendarmerie, raie aussitôt des pistes susceptibles d’être prises en considération : la piste militaire.

On a vu le 24 octobre 2017 à la télévision le reportage sur l’attentat contre le pylône de Beidweiler.

Le Colonel BRÜCK s’agitait tempore suspecto d’une manière bizarre à l’endroit où l’explosion eut lieu peu après ses mystérieuses visites nocturnes.

La piste de l’Armée reste à l’ombre à ce jour.

Per que ?

Aucune perquisition au Herrenberg – Inouï !

*

L’attentat contre le Palais de Justice eut lieu le samedi 19 octobre 1985 vers 23H.

GEIBEN passant pour éventuel auteur des attentats était sous observation.

L’observation de GEIBEN fut décidée le 18 octobre 1985.

D’où la question : Qui savait que quelque chose d’important allait se tramer le lendemain ?

L’attentat était-il programmé ?

KAUDE, homme lige du SREL, déclare le 15 janvier 2008 ce qui suit :

  1. La veille du 19 octobre, ses supérieurs le chargeaient d’une mission d’observation d’un suspect dont il devait apprendre l’identité en fin d’après-midi du même jour quand, arrivé au siège de la Gendarmerie, où se trouvaient STEBENS, ZENNERS, THILL et Jos STEIL, on lui disait que l’homme à observer serait « ehemaliger Gendarmerie Offizier Ben GEIBEN – Die Beschattung war für den darauf folgenden Tag vorgesehen. Die Gendarmerie hatte unsere Mitarbeiter erbeten, da GEIBEN sozusagen alle Beamten der Gendarmerie … persönlich kannte ».
  1. « Während diesem Treffen erfuhr ich dass STEIL, ein persönlicher Bekannter von GEIBEN den Kontakt zu diesem herstellen sollte ».
  1. « STEIL verfügte über die von uns benötigten Informationen … w.z.b. PKW und Ort des Treffens mit GEIBEN ».
  1. « STEIL hatte mit GEIBEN für den nachfolgenden Nachmittag bei sich zu Hause ein Treffen vereinbart ».
  1. KAUDE – « Ich organisierte eine Überwachung zu insgesamt 6 Personen, bestehend aus 4 Mann SR und den beiden Polizeibeamten ZENNERS und THILL ».
  1. « Am anderen Tag : « le jour de l’attentat » bezogen wir in der Umgebung von STEIL unsere Beobachtungsposten. Wir warteten den ganzen Nachmittag ».
  1. « Am späten Nachmittag, beziehungsweise gegen Abend kam STEIL dann persönlich aus dem Haus und informierte mich dass GEIBEN wohl nicht kommen würde ».

GEIBEN était pourtant bien arrivé au Luxembourg comme on le verra dans la suite.

« Daraufhin brachen wir die Beobachtung ab! »

KAUDE – « Ich begab mich nach Hause ».

*

Nous voyons ainsi STEIL, excellent ami de GEIBEN, taupe par excellence, Insider de premier ordre, manipuler les choses de manière à rendre l’observation impossible.

Nous sommes à quelques heures de l’attentat.

Nous savons que, contrairement aux informations données par STEIL, GEIBEN était bien présent au Luxembourg.

Il dînait vers 21H au Plateau Neumünster à quelques deux cents mètres du Palais de Justice.

  1. L’attentat a eu lieu à 23H.

Relevons un détail curieux : la bombe fut placée sous la fenêtre du Juge d’Instruction qui avait signé le 9 octobre 1985 la commission rogatoire contre GEIBEN.

  1. Vers 3H du matin du 20 octobre, KAUDE est réveillé par REULAND (ce que REULAND conteste).

« Der Mann welcher mich anrief benutzte die „Sie“ form… ».

Il lui demande de reprendre l’observation.

On lui précise que GEIBEN avait pris quartier à l’Holiday Inn.

Qui avait obtenu cette information ? Et de qui ?

La question n’a à ce jour pas été élucidée.

« Nach diesem Telefonanruf, habe ich KAUDE eine Überwachung von GEIBEN veranlasst … Meine Leute bezogen Posten vor dem Hotel ».

  1. « Gegen 06 Uhr nahmen wir die Observation dann vor diesem Hotel mit der gleichen Mannschaft auf. Es war kein neuer Briefing mit der Gendarmerie » (sic KAUDE, 19 mars 2004).

La grande question : Pourquoi la Gendarmerie, seule habilitée à intervenir en cas de flagrant délit, restait-elle à l’écart et laissait-elle le champ libre au SREL qui ne trouve dans le Code d’Instruction criminelle aucun moignon de moyen d’arrêter un suspect quelles que soient les circonstances ?

Etrange question qui n’a jamais pu être élucidée avec un brin d’honnêteté intellectuelle.

« Ben GEIBEN kam allein aus dem Hotel. Über die Schulter trug er eine große Sporttasche mit langen Schulterriemen ».

Le 19 mars 2004, dans sa déclaration, KAUDE escamote un détail important : « GEIBEN fuhr zum Schießstand Reckenthal ».

Pas un mot de sa visite à la maison de STEIL.

Le 3 avril 2006, KAUDE ajoute le détail qui prend toute son importance au regard de ce que révèlera l’audience 173.

Il précise alors sans autre précision : « Er fuhr zuerst zur Wohnung von STEIL ». Basta !

Le 15 janvier 2008, le même KAUDE, entendu par Claude HATTO et Tom DIDLINGER, revient sur le détail : « Zuerst suchte er die Privatwohnung von STEIL auf. Als er dort STEIL nicht antreffen konnte, fuhr er nach Reckenthal ».

Il faut lire le rapport AE 496/06 à la page 13 pour que le détail grossisse enfin d’un détail autrement important : « Er fährt anschließend zur Wohnung von STEIL. Hier hält er sich genau 1 Stunde und 40 Minuten auf. Bei seiner Abfahrt stellen die Observanten fest, dass auf der Rückbank eines PKW Blumentöpfe abgestellt sind ».

Pourquoi ces variations et ces omissions ?

Qui avait intérêt à taire ce détail ?

Y avait-il entre SREL et peut-être le Stay Behind, la Gendarmerie et GEIBEN une entente cordiale pour étrangler le « whole thing » ?

Il faut le supposer quand on lit ces omissions, imprécisions et incongruités.

Un observateur objectif ne peut pas s’étonner d’une filature aussi peu transparente.

  1. C’est ici que l’audience 173 à laquelle GEIBEN fut confronté avec Madame FUCHS, concubine de feu STEIL au moment des faits et ayant vécu en cohabitation avec lui dans la villa CHOME, prend toute son importance.

*

GEIBEN, entendu sous la foi du serment, faisait bien piètre figure.

Il était constamment aux abois – mal à l’aise – esquivait les questions – jouait l’amnésique.

Bref c’était un GEIBEN faible et déstabilisé.

Ce n’était pas le glorieux personnage que l’ancien Procureur d’Etat avait trouvé plaisir à rencontrer à Oberdonven.

*

Récapitulons l’essentiel de ce que nous avons appris alors :

  1. Madame FUCHS déclare que le jour en question, à l’heure de la prétendue visite de GEIBEN, elle était absente.

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  1. Nous savons que STEIL était à son tour absent.

Par hypothèse, il n’y avait donc personne pour ouvrir la porte.

*

D’où la question : Comment GEIBEN a-t-il pu entrer ? Qui lui a ouvert l’accès à la maison ? De quel côté ?

Avait-il une clef ? C’est ce qu’il conteste énergiquement à la 173ème audience.

Nous ne recevons à ce sujet aucune réponse ni du SREL – en observation ad portas – ni de GEIBEN qui était bien embarrassé pour répondre.

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  1. Le SREL nous apprend qu’il y séjournait 1 heure et 40 minutes.

C’est très long pour parler aux murs !

Ou y avait-il quand même quelqu’un avec qui il s’entretenait ? Et sur quoi ? C’eût été qui ?

Une fois de plus, il n’a rien su répondre et aucune investigation n’a été faite à ce sujet.

*

  1. Il est venu chez STEIL prétendument pour reprendre des pots de fleurs qu’il avait déposés au domicile de son ami.

Une histoire à dormir debout.

Madame FUCHS n’en savait rien.

« Quels pots ? », demandait-elle.

Lui, GEIBEN, n’a pas su décrire ces plantes précieuses.

Le SREL ne sait pas si GEIBEN est sorti de la maison avec ces plantes ou si quelqu’un l’a aidé à les mettre dans sa voiture.

Tout ce que le SREL pourtant à la porte a pu observer, c’est qu’elles se trouvaient sur le banc arrière de la BMW.

Donc une observation sui generis – post festum.

Comment y étaient-elles parvenues ?

Il eût été fort intéressant de voir ces plantes de près.

Que cachaient-elles ?

A supposer une réalité quelconque à la ténébreuse story des plantes, il faut se poser la question pourquoi GEIBEN ait attendu la date fatidique du 20 octobre pour en reprendre possession.

Pourquoi pas avant ?

Ces plantes avaient-elles quelque chose de particulier qui les rendait plus intéressantes que leurs pareilles, offertes au marché à Bruxelles à l’état frais et bien épanouies ?

Pourquoi donc choisir ce jour fatidique pour le transport délicat de plantes comateuses ?

Faut-il supposer que les pots dissimulaient des trucs inavouables ?

C’est une question parmi une multitude d’autres.

Ce questionnement s’impose, alors que rien n’a été examiné.

*

  1. Le bunker.

Nous savons que dans la fondation CHOME, son ancien propriétaire obsédé par la guerre avait aménagé un bunker.

Questionné sur ce bunker, un endroit magique pour toutes sortes de destinations, GEIBEN a fait l’innocent.

Il n’en avait jamais entendu parler.

C’était pourtant là que STEIL s’exerçait au tir avec PROUTEAU et BARRIL, bien connus de GEIBEN.

Il est difficile d’admettre que STEIL n’ait pas montré ce point géométrique entre tous secrets à son ami GEIBEN qu’il recevait souvent à manger.

*

  1. Après 1 heure et 40 minutes (le temps qu’il lui fallait pour enlever trois petits pots et les stocker dans sa BMW), tout en réussissant le coup d’échapper à l’œil vigilant du SREL qui pourtant observait ses faits et gestes, GEIBEN se rend chez STEIL au stand de tir du Reckenthal.

Qui avait dit à GEIBEN que STEIL s’y trouvait ?

GEIBEN questionné n’a su répondre.

Qu’est-ce qu’il est allé faire là-bas ?

Pourquoi tenait-il à voir STEIL ?

Combien de gens étaient alors au stand ?

STEIL y était plus que probablement seul.

Question jamais examinée.

Que lui disait-il ?

A l’audience, il a dit qu’après presque trente ans, il ne se rappelait pas.

*

STEIL a dû lui faire savoir qu’il était sous observation, et lui GEIBEN informait-il STEIL des ultimes développements de ce qu’on pourrait appeler le « whole thing ».

Question jamais examinée.

*

  1. On le voit partir en trombe pour Bruxelles suivi par des enquêteurs.

Il ajoute aux bizarreries du matin un mensonge à l’arrivée à Bruxelles.

Il se serait arrêté aux feux avenue Louise et il aurait interpellé les enquêteurs.

HAAN le démentit catégoriquement.

Pourquoi ce mensonge ?

*

  1. Nous savons que pour tous, SREL et Gendarmerie compris GEIBEN était la piste la plus sérieuse.

La 173ème audience, ultime audience avant une suspension qui entre abusivement dans sa quatrième année, laissant sur le gril deux innocents, illustre merveilleusement les tenants et aboutissants de l’affaire.

C’était l’audition du principal suspect, qui n’est toujours pas inquiété.

Rappelons que le 26 mai 2006, Alain THILL, Commissaire en chef, déclare :

« Auf jeden Fall war die Piste GEIBEN eine der besten die wir hatten. Ich weiß mit Sicherheit, dass von oben vom Procureur Général WAMPACH laut DISEWISCOURT die Anweisung kam, die Spur GEIBEN nicht mehr zu verfolgen ».

L’audience porte sur l’attentat contre le Palais de Justice – attentat commis le 19 octobre 1985 vers 23H.

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A l’audience 173, il a reconnu qu’il était dans le collimateur des enquêteurs comme premier suspect des attentats et de celui du Palais de Justice en particulier.

Il n’a pourtant aucune explication valable pour motiver son absence de réaction quand son nom fut cité dans la presse tempore suspecto.

Ainsi il a omis d’aller voir le chef enquêteur ou le Procureur pour s’expliquer de vive voix sur ce qu’il considérait comme des rumeurs diffamatoires.

Il concède un défaut de réflexe et se dit candide sur les bords, ce qui a fait sourire Juges, Procureur et avocats.

Questionné, il répond : « Ech wollt Graas driwer wuessen lossen ».

Qui ne comprendrait pas ce souci ?

Il reconnaît n’avoir consulté aucun avocat pour lancer une citation devant le Tribunal Correctionnel pour diffamation contre une presse pour lui « mal intentionnée ».

Il le fera en 2006, sans préjudice de date plus précise, contre COLLING.

Un procès depuis lors endormi.

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