JAPON

HAIKAI

Le thème de tous les arts Zen, c’est la vie sans but, la sensation de n’aller nulle part, de capter un instant d’éternité. Le Haikai, poème minuscule en 3 vers de 17 syllabes, répond à cette préoccupation.

Le saule peint

le vent

sans pinceau

Effroyable

La voix du faisan

Quand on sait qu’il mange des serpents

Au soleil, on sèche les kimonos

oh ! La petite manche

de l’enfant mort

L’os libre affichait « Contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre » Pierre Dac

LE ZEN

Le troisième œil

« Les preuves fatiguent la vérité » (Georges Braque)

L’école du Zen est centrée sur un événement capital dans la vie du Bouddha, à savoir la Suprême Illumination Parfaite (Anuttara – Samyaksambodhi), atteinte par Gautama alors qu’il était assis sous l’arbre de la Bohdi près de la cité de Gayâ.

Gautama voulait par une expérience strictement personnelle, au-delà de toutes ratiocinations, comprendre le sens profond de l’existence. Il détestait tous les systèmes philosophiques qu’il appelait avec mépris darshana, car ces systèmes  étaient pour lui autant de jeux intellectuels stériles et sans intérêt pratique. Il voulait vivre une vérité immédiatement présente – et l’éprouver dans sa validité universelle.

Selon Suzuki le Bouddha allait expliquer le contenu de son illumination comme le dharma qui devait être directement perçu (san-ditthika) au-delà des limites du temps (a-kâlika), pour faire l’objet d’une expérience personnelle (ehi-passika) entièrement persuasive (opanayika) et que les sages devaient comprendre en faisant chacun son expérience propre.

Le grand maître Daitarô Suzuki ajoute :

« Cela signifiait que le dharma devait être saisi par l’intuition et non pas obtenu analytiquement par voie de concept. La raison pour laquelle le Bouddha refusa si fréquemment de répondre à des problèmes métaphysiques était due en partie à cette conviction qu’on devait réaliser la vérité ultime en soi même, par ses propres efforts.

Une fois de plus le Bouddha confie à l’homme seul le besoin d’obtenir par ses propres voies et moyens, sans la moindre intercession de quiconque l’ouverture de l’œil intérieur.

« Aussi les moines Zen ne sont-ils que de simples catalyseurs. Ils agissent par présence. Pour le reste, dit Linssen, le processus de l’autorévélation de nous-mêmes ne peut être que rigoureusement individuel. »

Le Bouddha admet que chaque individu trouve dans sa structure mentale une faculté désignée en sanscrit par le concept Prajñâ. C’est le principe qui rend l’illumination possible en chacun de nous, c’est-à-dire, ce moment-éclair où le penseur, ce à quoi l’on pense et la pensée sont fondus dans l’acte unique de voir en l’essence même du prétendu Soi.

(Voir plus loin sub Satori)

Suzuki de préciser : « Il n’y a dans l’illumination ni processus, ni jugement, c’est quelque chose de plus fondamental, quelque chose qui crée une possibilité de jugement et sans quoi nulle forme de jugement ne peut se produire. Dans un jugement il y a un sujet et un prédicat – dans l’illumination le sujet est le prédicat et le prédicat est le sujet, ils sont fondus en un, non pas en un dont naît le jugement… toutes les opérations intellectuelles s’arrêtent là. »

Pour obtenir une vision claire du Vide, il faudra surmonter les murs de Chine tracés par l’habitude, les atavismes, les a priori, les évidences. Au-delà de ces murs personne ne va voir – c’est une terra incognita. Cette terre, on la verra que si, après de longs exercices de méditation, on aura fini par atteindre la force qui ouvrira le troisième œil – cette ouverture se fera alors subitement – dans une espèce d’éclair.

Le but du Bouddhisme Zen, ne cesse de rappeler Suzuki, est d’éveiller cette force (prajñä – intuition) par l’exercice de la méditation, sans le moindre exercice philosophique, sans avoir besoin de fonder son autorité sur aucun document écrit. Il suffit, mais il faut faire l’effort, de dépasser la relativité de notre conscience empirique qui s’attache à la multiplicité et non à l’unité des choses. L’illumination est donc un acte d’intuition né du vouloir.

Maître Gaston Vogel

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