Le cimetière juif de Waldwisse
Le visiteur venant de Schengen prendra le chemin de Sierck, bifurquera à gauche en direction de Montenach, vers ces hauteurs où se trouve le sympathique restaurant « La Klauss », traversera un pays presque vierge, champs de blé à perte de vue, une région qui semble intacte depuis des siècles, pour déboucher enfin sur le village endormi de Waldwisse où vivent quelques centaines d’âmes regroupées autour d’une imposante Eglise.
Rien à y voir – si ce n’est le cimetière juif qu’il n’est pas facile de découvrir.
Si on quitte le village, on voit à droite un chemin asphalté qui, longeant quelques constructions nouvelles, finit dans les champs.
Au terme de ce bout de chemin, on s’engage à gauche sur un sentier qui se dirige vers un ilot de verdure ombragé par d’immenses couronnes de chênes plusieurs fois séculaires.
Au fur et à mesure qu’on s’approche, un enclos apparaît qui ferme un lieu qu’on veut secret, confidentiel.
Une espèce de giron où on voit sous la protection de puissants chênes, une cinquantaine de tombes.
Certaines stèles rappellent que les défunts ici enterrés ont connu l’indicible des camps d’extermination nazis dont en particulier celui d’Auschwitz.
Ce cimetière qui baigne dans une atmosphère de paix et de silence absolu, seul le chant des oiseaux est audible, est un joyau de poésie, une poésie certes amère et d’une noire tristesse qui vous saisit à la gorge.
On appelle ces cimetières d’après l’Ecclésiaste 12.5, maison de vie, un Be Olam ou Be Hachajim.
Cela fait des années que je passe une partie de mes loisirs à visiter ces cimetières.
Je débute à Worms et je finis au fin fond de l’Alsace.
C’est lors d’une de mes pérégrinations que je suis tombé sur cet espace qui s’est révélé bien vite comme un véritable point d’acupuncture.
Depuis j’y suis retourné des fois pour méditer à l’ombre des arbres majestueux qui prennent soin de ceux qui sont partis dans les demeures de l’éternité.
Tout récemment je m’y suis rendu une fois de plus pour les prendre en photo, – ils illustrent mon livre sur le parler silencieux des arbres et des fleurs.
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J’ai vécu lors de cette ultime visite un instant de terreur.
C’était affreux à voir.
Un salaud anonyme y était passé pour dévaster ce lieu magique d’une sombre beauté.
Une lugubre et lâche ordure avec l’appui probable d’acolytes ténébreux avait saccagé les tombes, renversé les monuments. – Le chaos total.
J’ai quitté précipitamment le cimetière, le cœur serré de colère.
Au village, je questionnai un quidam sur le quand de cette horreur.
Les réponses étaient filtrées – courtes et obscures. – La police enquête – disait-il.
À ma question où sont les restes de la synagogue ? Il me montra du doigt un arbre implanté là où naguère la communauté se réunissait.
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Que faire de pareils salauds qui dans leur crétinisme abyssal, mus par un antisémitisme idiot ne reculent devant rien – même pas devant le respect dû à ceux qui ne sont plus ?
Quelle est cette dégueulasse humanité dont quelques cyniques disent qu’elle est faite à image de dieu ?
Le langage n’est pas à même d’exprimer une telle abjection portée à son comble de bassesse.
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Et cela soixante-dix ans après l’holocauste, soixante-dix ans après l’anéantissement par la faim et la violence de millions d’hommes, de femmes, d’enfants… voilà que la barbarie menace à nouveau.
L’holocauste, le plus abominable crime jamais commis par l’homme, ne signifierait-il déjà plus rien ?
On assiste à une banalisation de cette énormité qui dépasse en horreur tout ce que l’esprit le plus pervers aurait pu imaginer.
Que faire pour endiguer cette misère qui menace à nouveau ?
Des conférences ? Des discours ? Des cérémonies de souvenir ? Des expositions ? – et si tout cela ensemble ne faisait que provoquer lassitude et désintérêt.
Dans sa lettre au Greco, Nikos KAZANTZAKIS a écrit ces phrases inquiétantes :
« L’homme n’est pas la créature chérie, privilégiée de Dieu, que Dieu n’a pas soufflé sur lui, ne lui a pas donné une âme immortelle, qu’il est lui comme les autres animaux, petits-fils, arrière-petit-fils du singe.
Et que si l’on gratte un peu notre peau, si l’on gratte un peu notre âme, on trouvera par dessous notre grand-mère la guenon. »
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Non, non, l’auteur se trompe.
La guenon n’est pas capable de telles horribles monstruosités.
Elles sont réservées à l’homo sapiens.
p. Gaston VOGEL.