
Le visage
A-t-on jamais vu une gueule aussi déprimée ?
La nausée a envahi tout le visage.
Elle couvre la grosse bouche d’où semble suinter une écume délétère.
Les oreilles arrachées du crâne sont comme deux trous noirs énormes et laids.
Partout des verrues, des plaques de sclérose, des gouttes de sueur.
Il porte avec lui l’odeur de l’au-delà – l’odeur de l’embaumé et de l’enseveli.
Les yeux souffrent des traces de l’antimoine.
Brève apparition comme hiéroglyphe sur un linteau de Sappore avant le retour dans le Champ des joncs.
Il a été déçu des choses de Sekhem.
Il n’a pas entendu glousser les âmes des Pharaons devenues oies.
Il ne s’est pas baigné dans le Nil céleste.
Il a gardé une douloureuse nostalgie de l’ombrage des sycomores et dans son regard glauque, nous lisons qu’il n’est pas un glorifié à la bouche bien garnie.
Il avait espéré voir la voie lactée couler de la mamelle d’Hathor-Nouit, la vache divine.
On lui avait dit qu’il verrait le phallus de Râ, celui d’Osiris, terminé par une tête de lion symbolisant l’ardeur pénétrante de la lumière solaire.
Il n’a fait que rencontrer les maudits, les renversés qui errent dans le néant, sans tête, le cou en bas, privé de tout fluide vital.
Il a vu les dieux tortionnaires briser les colonnes vertébrales des damnés, pour sucer le peu de jus vital qu’elles pourraient contenir.
Liqueur macabre.
Nulle part ne voit-il s’esquisser l’Escalier aux sept Marches, l’Escalier de Schmoun – nulle part les sept tuniques d’Isis.
Au-dessus de lui, un espace ténébreux – il cherche vainement les Justes, dont on dit qu’ils brilleraient au Paradis comme des luminaires – et pourtant il fut Juste.





